En 1999, les manifestations des étudiants iraniens avaient été écrasées et de nombreux réformateurs arrêtés. Le printemps estudiantin avait fait long feu. Aujourd’hui, la victoire contestée et contestable de Mahmoud Ahmadinejad paraît a priori reproduire le même scénario. La «révolution verte» incarnée par le principal rival du président sortant, Mir Hossein Moussavi, est sévèrement réprimée. Les Gardiens de la révolution et les Bassidjis ont œuvré à tuer tout embryon de soulèvement. Ils ont compris que, face à un mouvement soutenu par les réformateurs mais porté avant tout par les jeunes et les femmes qui scandaient «mort au dictateur», le danger était réel. Pour étouffer les aspirations d’Iraniens connectés au monde extérieur par Internet à la barbe de la censure et sensibles au phénomène Obama, le régime a pris une mesure symbolique qui en dit long sur ses craintes d’ouverture: il a coupé le réseau de téléphonie mobile.

Un phénomène, considérable à l’échelle de l’Iran habitué aux luttes fratricides entre factions rivales, risque néanmoins de contredire l’analogie avec 1999. Les factions réformistes semblent, pour la première fois depuis la Révolution iranienne, mettre de côté leurs différences pour se rallier derrière Mir Hossein Moussavi. L’ex-premier ministre a été élu, malgré lui, leader d’un mouvement qui devient le réceptacle des espoirs d’ouverture et de changement. Difficile d’évaluer jusqu’où peut mener cette unité politique nouvelle. Mais elle est le relais d’une frange croissante de la population qui souhaite en finir avec une police des mœurs anachronique, avec le musellement de la liberté d’expression et de la presse. Elle cristallise aussi une contestation inédite et frontale de la figure du guide suprême, détenteur du pouvoir ultime.

Les Iraniens de la modernité se sont souvent résignés à mener une vie parallèle pour ne plus défier les coups de matraque et les intimidations. Fâchés de subir de plein fouet les conséquences d’une politique économique catastrophique, ils pourraient être tentés de ne pas baisser les armes. Et remettre en question la ligne conservatrice et répressive du pouvoir.

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