Les 20 ans de la Cour pénale internationale seront célébrés ce vendredi, alors que le moment est symboliquement très fort. La guerre en Ukraine a fait office d’électrochoc et a propulsé cette institution sur le devant de la scène comme jamais auparavant, suscitant une mobilisation inédite des Etats, un soutien financier exceptionnel et une armada d’experts. C’est comme un nouveau souffle donné à la poursuite des pires crimes qui tranche avec le bilan plutôt mitigé de ces deux décennies. Mais l’entrée bruyante du nouveau procureur Karim Khan au cœur de cette guerre nourrit aussi des craintes légitimes pour l’image d’une justice perçue comme trop instrumentalisée politiquement.

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D’immenses attentes

Première cour pénale permanente de l’histoire, chargée de lutter contre l’impunité des tortionnaires, génocidaires et autres auteurs d’actes abominables commis contre l’humanité, la CPI a suscité d’immenses attentes et ne pouvait que décevoir. A son passif, il y a la lenteur et l’extrême complexité des procédures. Les affaires s’éternisent devant les différentes chambres et donnent lieu à une avalanche de décisions que même les plus passionnés n’arrivent pas à suivre. La cour est ainsi souvent comparée à un paquebot lourd à manœuvrer, une énorme machine empêtrée dans des dossiers interminables et souvent impuissante à faire arrêter ses cibles.

L’autre ombre au tableau est la stagnation des ratifications du Statut de Rome, son traité fondateur. On est loin de se rapprocher de l’universalité nécessaire pour que la Cour puisse exercer sa compétence à une échelle vraiment mondiale. Outre le fait que les grandes puissances – Etats-Unis, Russie et Chine – n’ont toujours pas adhéré, l’Asie et le Moyen-Orient demeurent des régions très peu représentées au sein des Etats parties.

Un message toujours puissant

Ces faiblesses ne devraient toutefois pas faire oublier que le message garde sa puissance et percole, comme il se doit, bien au-delà de La Haye. Pousser les pays à agir par eux-mêmes est d’ailleurs une des missions essentielles de la cour. Des responsables d’atrocités comparaissent devant les tribunaux des régions concernées (même si ce n’est pas encore la règle), ou sur la base du principe de compétence universelle. C’est ce qu’a fait la Suisse, l’an dernier, en jugeant et en condamnant l’ex-chef rebelle libérien Alieu Kosiah pour toute une série de crimes de guerre, une affaire qui sera encore examinée en appel.

Même décriées, la CPI tout comme sa jurisprudence sont devenues incontournables et c’est déjà un progrès incontestable. Son grand défi, qui est de conserver sa crédibilité et d’inspirer confiance en n’affichant pas une détermination à géométrie variable, reste toutefois plus que jamais d’actualité. Avec cette implication ultrarapide et massive dans la situation ukrainienne, doublée d’une communication tous azimuts, les risques d’un retour de balancier critique sont bien réels.


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