Même pour un étatiste fervent, l’affaire du foyer de Mancy à Genève ne peut être qu’une preuve édifiante de la faillite de l’Etat. Au-delà des maltraitances physiques, il y a eu maltraitance institutionnelle, résume la Commission de contrôle de gestion du Grand Conseil dans un rapport. Une faillite désastreuse parce qu’elle a pour victimes de jeunes autistes sans défense. Une faillite coupable, à tous les échelons hiérarchiques, à commencer par la ministre Anne Emery-Torracinta.

Mancy, c’est l’histoire d’un Etat qui, trop occupé à alimenter ses fonctionnements propres, oublie pourquoi il existe. Des employés noyés sous des procédures version Kafka 2.0, un secrétariat général obèse qui dilue les responsabilités, un système d’alerte défaillant où les risques sont identifiés sans être maîtrisés, un bricolage général où plus personne n’ose apprécier l’efficience ou les lacunes. Ou quand l’Etat protecteur se mue en ogre dévoreur de papier sans égard pour sa mission.

Ce qui manquait le plus était le courage

Mancy, c’est aussi le récit d’une déresponsabilisation collective par l’addition des déresponsabilisations individuelles. Et ce constat: ce qui manquait le plus pour éviter le pire était le courage. Courage de rapporter les problèmes à la hiérarchie, courage d’assumer au lieu de charger ses subordonnés, courage d’interroger la vision d’une ministre enfermée dans sa tour gardée par du personnel lige. Face à la moindre crise, la peur l’emporte sur la bonne gestion, résument les députés. Mais qu’est-ce que la peur pour son poste de travail en regard de la maltraitance d’enfants?

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On aurait aimé que la ministre et les cadres ne se défaussent pas de leurs responsabilités en plaidant, pour l’une, l’ignorance, pour les autres, l’impuissance. Quoi qu’il en soit, il reste à repenser l’Etat, en commençant par le DIP. C’est lui, d’ailleurs, qui a proposé de confier la gestion du foyer à une structure privée subventionnée, ce qui est un formidable aveu d’échec. Un pas de plus, et l’on pourrait remettre en cause le statut de fonctionnaire, ce qui permettrait de remercier ceux qui n’atteindraient pas les objectifs de performance. On en est loin. Mais l’affaire de Mancy a révélé que la protection de la fonction n’empêche rien, pas même la couardise.


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