Après vingt ans de guerre post-11-Septembre, le pays d’Asie centrale est plongé dans une crise inextricable. La soif de conquête des talibans augure mal d’une coopération avec l’actuel gouvernement d’Ashraf Ghani. A court terme, la menace terroriste semble toutefois limitée

Avec le départ d’Afghanistan des troupes américaines et de l’OTAN qui devrait s’achever en août déjà, aucun scénario relatif à l’avenir de ce pays d’Asie centrale ne permet de nourrir beaucoup d’optimisme. Les talibans n’ont pas attendu le départ des GI pour reconquérir une bonne partie du territoire afghan. Ces derniers jours, ils ont accéléré leur campagne, contrôlant, selon leurs dires, 85% du pays. Au vu de leur soif de conquête, il est permis de douter de leur volonté de négocier de bonne foi avec le gouvernement afghan. La chute de Kaboul serait un indicateur clair de leurs intentions.
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Les talibans n’ont en rien respecté l’accord de Doha conclu en février 2020 avec Washington: arrêter les violences et couper les liens avec Al-Qaida. Ils entretiennent toujours des discussions avec une délégation du gouvernement de Ghani, mais leur vision de la société semble incompatible avec celle d’une société démocratique défendue par Kaboul. Les femmes afghanes se préparent déjà à résister à un retour à l’ancien régime taliban en place de 1996 à 2001. Ce sont sans doute elles qui ont le plus bénéficié de la présence occidentale. Mais ce sont elles aussi qui ont le plus à perdre.
Echec du nation-building
Un régime 100% taliban ferait replonger le pays dans des temps où les droits humains et l’éducation étaient considérés comme des concepts inacceptables imposés par l’étranger. Plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Les demandes de visas pour quitter le pays explosent. La corruption est à son comble et la production d’opium et d’héroïne continue d’alimenter les marchés. L’état actuel calamiteux de l’Afghanistan est une démonstration de l’échec du nation-building pratiqué cette dernière décennie par les Occidentaux. Les occupations britannique du XIXe siècle et soviétique de 1979 à 1989, puis la volonté grandiloquente de démocratisation du monde manifestée par George W. Bush ont montré toutes les limites de l’imposition par la force d’un nouveau cadre culturel et sociétal.
Reste la question pour laquelle les Occidentaux sont intervenus en Afghanistan. Il s’agissait d’éradiquer Al-Qaida impliquée dans les attentats du 11 septembre 2001. L’organisation terroriste est toujours là, bien qu’affaiblie. Les talibans ont des visées avant tout nationales, se tenant prêts à tuer dans l’œuf toute montée en puissance de Daech. A court terme, la menace terroriste semble réduite.
Mais une plongée du pays dans la guerre civile pourrait attirer à nouveau le djihadisme international. Une perspective qui inquiète déjà les Etats-Unis et l’Europe, mais aussi la Russie, toujours préoccupée par l’islamisme radical du Caucase, et la Chine qui craint une éventuelle rébellion de la minorité ouïgoure du Xinjiang.
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