L’audace justifiée de la BNS
L’institution avait toutes les raisons de saisir l’opportunité de commencer sa sortie des taux négatifs

La Banque nationale suisse (BNS) sait surprendre, elle nous l’a rappelé jeudi matin. Cela faisait pourtant depuis 2015 et la fin du taux plancher entre l’euro et le franc qu’elle n’avait pas pris autant de court analystes et observateurs. Mais la décision inattendue du jour – relever ses taux de 50 points de base à - 0,25% – ne suscitera pas autant de critiques que celle d’il y a sept ans, même si elles étaient probablement exagérées (y compris de l’auteure de ces lignes).
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Le choix de la BNS est audacieux, mais il est plein de bon sens. Si personne ne l’a vu venir, c’est peut-être que les spécialistes se sont concentrés sur les mauvais indicateurs ou signaux. Parce que, contrairement à ses homologues européens et américains, l’institution helvétique n’est pas dans une situation d’urgence. Et parce que, depuis des années, elle s’est toujours alignée sur la Banque centrale européenne (BCE).
Temporisation possible
L’inflation a augmenté à un niveau déplaisant (+2,9% en mai) pour une banque centrale qui vise un renchérissement inférieur à 2%. Mais on est très loin des flambées que vivent nos voisins. Sans être inexistant, le danger d’une spirale des prix en Suisse est limité. La BNS pouvait se permettre de temporiser.
Mais l’occasion était trop belle de réduire des taux négatifs qui entraînent des distorsions, en particulier sur le marché immobilier. D’autant plus que la conjoncture suisse se porte bien, mieux que l'européenne, et peut donc largement supporter ce resserrement monétaire. En outre, la BNS part d’un niveau de taux tellement bas qu’elle ne prend pas le risque, comme la Réserve fédérale aux Etats-Unis et ses violents tours de vis, de faire plonger son économie dans une récession.
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Le franc a longtemps limité les possibilités d’action de la BNS. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Il n’est plus surévalué et ne pèse plus, ou plus autant, sur l’industrie d’exportation. Au contraire, puisqu’il s’est affaibli ces derniers mois, il a même tendance à renforcer l’inflation des produits importés, ce qui dérange les grands argentiers.
Cette décision surprise comporte des risques. Notamment que la Banque centrale européenne ne procède pas aux hausses de taux qu’elle a prévues en juillet et en septembre si la conjoncture s’assombrit ou si une crise menace sur le front de la dette souveraine. C’est peu probable, mais cela ferait pression sur le franc. Le rebond du jour du franc montre bien que si la BNS en a peut-être bientôt fini avec les taux négatifs, ses interventions sur le marché des changes, elles, resteront un outil durable de sa politique monétaire. Dans un sens ou dans l’autre.
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