Les organisations patronales ont plus de peine à convaincre la population du bien-fondé de leurs arguments. Si elles ont compris que le monde avait changé, en ont-elles vraiment tiré les bonnes leçons?

Exhumer la Société pour le développement économique de la Suisse (SDES). C’est une proposition que Walter Kielholz, l’un des barons de l’économie helvétique, évoquait en octobre dans la NZZ, face au fossé qui semble insidieusement se creuser entre la population et les élites économiques. Faire renaître ce phénix de ses cendres aurait pour avantage, relevait l’ancien président de Swiss Re, d’enlever un poids à Economiesuisse pour mieux expliquer les enjeux économiques aux citoyens.
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Pourquoi pas? Après tout, avant même le récent échec de la votation sur l’abolition du droit de timbre, le septuagénaire zurichois avait bien compris que le patronat devait changer son logiciel et faire preuve de davantage de pédagogie. Un exercice qui n’est, avouons-le, pas toujours simple, surtout quand rien ne semble ébranler le «miracle suisse». Pas même une pandémie. On ne peut dès lors pas en vouloir aux citoyens de vouloir corriger les imperfections du modèle: amener davantage d’éthique, de justice sociale ou d’écologie dans un petit pays qui, à coups de cartels, de secret bancaire ou de concurrence fiscale, a habilement manœuvré au XXe siècle pour devenir une puissance économique.
Il suffit de se souvenir de la dernière décennie du XXe siècle, marquée par une douloureuse stagnation, pour savoir qu’évidemment rien n’est acquis. Pour en persuader les citoyens et regagner la confiance du peuple, les organisations patronales vont toutefois devoir faire bien plus que réanimer la SDES, une société connue pour son attitude extrêmement agressive, que l’on voit mal se fondre dans la société actuelle.
Faire son autocritique
Car dans leur diagnostic, les milieux économiques semblent oublier de faire leur propre introspection, intégrer notamment que face à une population aussi instruite qu’exigeante, ils doivent aujourd’hui faire front commun et convaincre plutôt que décréter. Un défi qui demande probablement d’autres qualités que celles dont les figures historiques du patronat suisse ont fait preuve.
A l’instar du monde du travail, ce dont les organisations patronales ont besoin, c’est ce que la langue anglaise aime à désigner comme des soft skills; ces compétences immatérielles, parfois innées, qui savent inspirer confiance et faire preuve d’ingéniosité pour naviguer dans un monde complexe, en pleine mutation.
Pour faire comprendre aussi à tout un chacun que les PME, les conditions-cadres et la recherche scientifique ne sont pas juste des concepts abstraits. Derrière eux se cachent ce petit resto ou ce cinéma que l’on peut s’offrir, ce voyage lointain auquel on est en mesure de rêver. Car l’économie, ce n’est pas seulement la Bahnhofstrasse ou la Paradeplatz: l’économie, c’est nous! Une réalité qui semble avoir échappé à une partie de la population.