Un impressionnant retour de balancier. En remportant dimanche l’élection présidentielle ukrainienne, Viktor Ianoukovitch savoure une cinglante revanche. En 2004, ce politique proche de Moscou avait été privé de sa victoire par la Révolution orange au profit du pro-occidental Viktor Iouchtchenko.
Avant toute considération géopolitique, c’est le pragmatisme qui a motivé le vote des Ukrainiens. Le pays est plongé dans une profonde récession. Le PIB a chuté de 15% l’an dernier. La hryvnia, la monnaie nationale, s’est dépréciée de 60% depuis 2008. Dans ce paysage dévasté, voter pour l’apaisement avec Moscou, c’est espérer pouvoir bénéficier de la croissance économique russe dont Kiev dépend fortement.
La victoire de Ianoukovitch est aussi la fin d’une illusion: celle de croire qu’une révolution fortement inspirée de l’étranger peut produire des effets durables. La Révolution orange répondait certes à une aspiration à la liberté de nombreux Ukrainiens. Mais elle fut aussi révélatrice de l’attitude arrogante de l’Occident qui pensait pouvoir imposer son modèle de démocratie de façon mécanique tout en faisant la leçon à la Russie. A la décharge des Occidentaux, le héraut de la Révolution orange, Viktor Iouchtchenko, éliminé au premier tour avec 5% des voix, laisse un bilan désastreux.
Cette élection marque enfin le second échec pour les tenants d’une extension de l’OTAN aux portes de la Russie après la guerre de 2008 entre Tbilissi et Moscou.
Quant à l’Union européenne, elle a préféré rester à l’écart, jugeant plus importante une stabilité régionale que des ennuis à répétition entre Kiev et Moscou qui perturbent son approvisionnement en gaz. Après la guerre russo-géorgienne, l’UE avait pourtant réaffirmé la nécessité d’un «partenariat oriental» avec l’Ukraine et la Géorgie pour compenser l’absence du «parapluie de l’OTAN». Joschka Fischer, ex-chef de la diplomatie allemande, appelle ce désengagement «une erreur stratégique de taille».
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