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L'EDITORIAL. Par Lisbeth Koutchoumoff

La décision prise par la justice californienne de fermer le site Napster

La décision prise par la justice californienne de fermer le site Napster rappelle un fait simple: les artistes ont le droit d'être payés pour leur travail. Et leurs producteurs-éditeurs aussi. Or si payer son boucher ou son médecin est une norme sociale largement acceptée, rémunérer un artiste demeure perçu comme légèrement abusif. L'œuvre étant immatérielle (le papier du livre ou le plastique du CD ne sont que ses supports), on rechigne à acheter du vent. Internet, en rendant les œuvres plus immatérielles encore, ne fait que renforcer ce sentiment.

Dans un tel contexte, que les producteurs de films ou de disques demandent leur dû passe quasiment pour du racket. Et la disparition – rendue possible par Internet – de tout intermédiaire entre l'artiste et le public prend facilement les atours de la victoire de l'art et de la liberté sur le profit.

On peut se réjouir qu'Internet secoue un marché de la distribution culturelle dominé par quelques très grosses entreprises. Mais il ne faudrait pas faire l'amalgame entre la situation du marché et le métier de producteur lui-même. Car c'est bien lui qui fait le pari de miser sur un talent, de financer son mûrissement, d'attirer l'attention du public sur son éclosion, de le rendre désirable.

Internet substitue à cette complexe réalité l'illusion que la création peut trouver son

public sans passeurs. Les propriétaires de sites eux-mêmes le savent bien: les œuvres aujourd'hui téléchargées à tour de bras sont bien celles qui ont bénéficié, en amont, d'un travail d'élaboration patient, et parfois d'une prise de risque importante.

Les albums auto-produits ne font pas vivre les sites qui invoquent l'absence de sélection et la gratuité comme argument publicitaire. D'ailleurs, les créateurs de ces sites, souvent issus de l'industrie traditionnelle du disque, n'aspirent qu'à une chose: devenir producteurs sur Internet. Et se faire payer pour cela…