L’Eglise n’a pas vocation à faire office d’open bar. Voilà grossièrement résumé le message de l’Eglise réformée du canton de Neuchâtel, qui a pris la décision de fermer les portes de ses temples aux cérémonies de mariage ou de funérailles laïques. Une décision que le synode, très divisé, a prise à une courte majorité, qui laisse l’Association des célébrants et officiants romands amère et prend de court les autres Eglises cantonales.

Ce basculement relève pourtant du courage. Celui de refuser sa relégation à un symbole culturel, à un vague reliquat de croyance ancienne, après que la société contemporaine a tué Dieu. Si, aujourd’hui, 31% de la population suisse se déclare sans religion, la majorité qui s’identifie encore à l’une ou l’autre n’est plus guère pratiquante. Les églises se vident, leurs finances vont mal, baptêmes et enterrements sont en chute libre, la moitié des protestants du pays ont plus de 50 ans.

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Pourtant, l’Eglise protestante aura tout fait pour s’adapter à la société au lieu d’espérer que celle-ci lui revienne par l’opération du Saint-Esprit. Bien davantage que sa sœur catholique, elle s’est considérablement ouverte aux nouvelles thématiques sociales, à l’inclusion des minorités, au mariage gay dans certains cantons, et parfois jusqu’au ridicule, quand celle de Genève se proposait l’an dernier de «démasculiniser» Dieu. Ce pari d’ouverture n’aura pas ramené les fidèles, dispersés dans le mouvement de sécularisation de la société.

Un simple décor rassurant

Si la religion ne conditionne plus les comportements, on pourrait estimer qu’elle maintient encore les liens sociaux d’une partie de la population. Pour autant, lui demander d’abriter les non-croyants, les agnostiques, ou les adeptes de spiritualités diverses, dans ses murs et sans ministres, revient en quelque sorte à la priver de son essence. A en faire un vieux décor rassurant mais allégorique. A la dédaigner en la transformant en un milieu associatif comme un autre.

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Ce pavé dans la mare jeté par l’Eglise réformée neuchâteloise éclaire enfin ce paradoxe: autrefois, tout un chacun fréquentait temples et chapelles sans forcément avoir la foi, tant la religion normée était une composante socioculturelle non négociable; aujourd’hui, on peine à couper le lien au religieux, soit-il figuré par les murs d’un lieu de culte, alors qu’on a gagné la liberté de s’affranchir de la religion. Comme si le message importait moins que l’attachement historique. C’est cette absence de cohérence à chercher le sacré dans le profane que l’Eglise réformée neuchâteloise soumet à la réflexion.

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