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L’énigme de la mort, entre rupture et continuité

ÉDITORIAL. L’exposition fastueuse des corps de Benoît XVI ou de Pelé rappelle que la mort est à la fois un moment d’irréversibles adieux et celui où l’on s’accroche à tout ce qui pérennise l’existence humaine

Devant la dépouille, ce mercredi à Rome. — © Alessandra Tarantino/AP/Keystone
Devant la dépouille, ce mercredi à Rome. — © Alessandra Tarantino/AP/Keystone

«Repose en paix»: le vœu sonnait bien creux ces derniers jours à Rome, où des milliers de fidèles, de fans ou de curieux se sont pressés pendant des heures autour de la dépouille de Benoît XVI, allant jusqu’à prendre des photos, voire des selfies. Deux jours plus tôt, on pouvait voir des scènes similaires à Santos, la ville brésilienne où a été enterré Pelé.

Des scènes étonnantes. Et pourtant, montrer un défunt pour lui rendre hommage fait partie des rites fondamentaux de l’humanité. C’est une des manières d’affronter la double énigme que représente la mort, à la fois rupture et continuité. Rupture, puisqu’elle est ce moment où l’on se sépare définitivement; continuité, parce que l’on continue à vivre. Et que le lien à celui ou celle qui est parti survit. De nombreuses traditions, telles que la veillée funèbre, font du défunt le centre de l’attention jusqu’à son inhumation.

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Les enterrements en grande pompe de Benoît XVI et, avant lui, de Pelé ou de la reine d’Angleterre tranchent aussi avec la réserve dont on fait généralement preuve face à la mort. Alors qu’on essaie aujourd’hui de l’ignorer, voilà que des images montrent le visage de ceux qu’elle a emportés, dont le corps a été soigneusement préservé pour qu’on puisse le voir. Une pratique réservée dans l’Histoire aux grandes figures assimilées à des dieux, des rois ou des saints, y compris dans les régimes totalitaires, pour assurer la pérennité des systèmes qu’elles incarnaient. Ainsi, Lénine et Staline avaient été embaumés pour être exposés dans un lieu de culte érigé sur la place Rouge. En Chine, le corps de Mao avait subi le même traitement, son corps offert à la dévotion des fidèles.

Le faste avec lequel nous disons adieu à Pelé, Benoît XVI, la reine d’Angleterre ou d’autres figures importantes de notre temps est aussi la marque de notre espoir: celui que quelque chose de nous tous perdure à travers le temps. La doctrine élaborée en Angleterre au XVIe siècle autour de la figure des rois l’affirmait: à l’image du Christ, ils sont à la fois humains, c’est-à-dire mortels, et divins, donc éternels. Y croire permet d’éclairer un peu le gouffre vertigineux de la mort.


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