ÉDITORIAL. En se retirant des environs de Kiev, l’armée russe a laissé derrière elle des scènes atroces. Les Ukrainiens paient au prix fort la propagande du Kremlin et son discours déshumanisant vis-à-vis de ses ennemis

Un paysage de mort et de désolation. Des cadavres de civils jonchant les rues, massés dans les cours intérieures ou dans les caves; des indices innombrables qui démontrent l’existence d’exécutions sommaires, les poignets attachés de victimes, les traces de blessures derrière la tête, les voisins regroupés pour être abattus…
La procureure ukrainienne évoque plus de 400 corps de civils ainsi retrouvés sans vie dans les territoires récemment repris par l’armée ukrainienne. S’y ajoutent des viols, des rapines, ou les installations minées pour provoquer encore plus de malheur. Les révélations sur les atrocités commises par les forces russes dans les environs de Kiev, à Boutcha notamment, sont un épouvantable coup de massue supplémentaire, dans cette guerre qui n’en a pas manqué dès le premier jour. D’autant que ces découvertes macabres contrastent avec le climat de relative euphorie qui avait régné suite au retrait russe du nord de la capitale ukrainienne.
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Propagande et conséquences
Première leçon, les discours et la propagande ont des conséquences. Cela apparaissait comme de simples divagations de la part du président Vladimir Poutine: la négation de l’existence de la population ukrainienne, l’amalgame constant avec les nazis, en un mot la déshumanisation de l’ennemi… tout cela se reflète pourtant aujourd’hui dans le comportement des soldats. En laissant sur son passage ces traces d’horreur, la Russie finit de discréditer entièrement «sa» guerre, comme elle finit de se déshonorer elle-même.
Au-delà de savoir si de tels actes – systématiquement contestés par les autorités russes – équivalent à des crimes de guerre, l’enjeu, aujourd’hui, est bien plutôt de mettre en œuvre tous les moyens possibles pour arrêter aussi vite que possible cette machine meurtrière. Car le départ précipité des environs de Kiev, s’il représente une vraie déroute pour l’armée russe, ne signifie pas la fin de la guerre, loin de là.
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Pratiquement tous les responsables occidentaux ont promis ce week-end l’avènement de nouvelles sanctions, plus dures encore contre la Russie. C’est la deuxième leçon de cet épisode abominable: chaque hésitation, chaque réticence à soutenir l’Ukraine de manière décidée se paiera au prix fort en termes de vies humaines. A Boutcha aujourd’hui, à Marioupol ou dans le reste de l’Ukraine demain.
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