L’immigré, joker de l’économie suisse
ÉDITORIAL. Malgré une croissance atone, la main-d’œuvre continue à cruellement manquer en Suisse. La question n’est plus de savoir s’il faut attirer des travailleurs étrangers mais comment le faire rapidement

Même si le miracle économique suisse garde sa petite part de mystère et de zones d’ombre, le logiciel de base est bien connu: un tissu d’entreprises extrêmement diversifié apte à faire face aux coups de mou structurels et conjoncturels. En résumé, l’industrie remplit ses carnets de commandes quand l’économie mondiale fonctionne à plein régime; lorsque celle-ci s’enrhume, la consommation permet de limiter les dégâts.
Lire aussi: La croissance suisse tient le choc
Ainsi, entre juillet et octobre, le produit intérieur brut helvétique a pu sauver la face - avec une modeste croissance de 0,2% - grâce à cette petite semaine de vacances dans les Alpes grisonnes, ce souper au resto du coin ou ce nouveau téléphone portable que vous vous êtes offert. Avec l’explosion des coûts énergétiques et la politique zéro covid chinoise, l’heure n’est évidemment plus à l’euphorie pour le commerce mondial et la demande intérieure joue son rôle d’amortisseur.
Fréquemment, au cours d’un débat ou d’une discussion, le mot «crise économique» est lâché. Pourtant, ce qui ne manque pas de surprendre, c’est l’incroyable santé du marché de l’emploi qui va jusqu’à pousser les offices régionaux de placement régionaux à revoir leurs effectifs. Leader du placement, le groupe Adecco signalait mardi que son indice de pénurie de main-d’œuvre avait atteint un niveau record. Dans des secteurs comme la santé, l’industrie, l’hôtellerie ou l’informatique, recruter conditionne la performance, peut-être même la pérennité de l’entreprise.
Lire aussi: La pénurie de main-d’œuvre qualifiée au plus haut en Suisse
Intégrer et accueillir
Comme elle l’a déjà fait le passé, la Suisse ne résoudra pas ce défi sans une politique d’immigration active. Avant même de lorgner au-delà des frontières nationales, certains employeurs peuvent déjà davantage recourir aux réfugiés dotés du trop méconnu permis F, tandis que les autorités cantonales et fédérales doivent encore accélérer et favoriser l’intégration professionnelle des immigrants, souvent impatients de travailler.
Ce vivier ne suffira toutefois probablement pas à compenser les centaines de milliers de départs à la retraite des années à venir. La Confédération n’a d’autre choix que de faire preuve de souplesse et de pragmatisme dans l’octroi de permis de travail à des travailleurs extra-européens, tout en œuvrant au maintien de la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne. Un accord qui, soit dit en passant, ne semble pas avoir beaucoup fait de tort à la prospérité helvétique en 20 ans d’existence.
Lire aussi: Pénurie de personnel: les réfugiés, ces oubliés de l’embauche
Souvent pointée du doigt, cette main-d’œuvre étrangère a en effet souvent su rendre au centuple à son pays d’accueil ce qu’il lui avait donné. Elle l’a fait en fondant des entreprises comme Heinrich Nestlé ou Nicolas Hayek, ou encore en creusant des tunnels et en bâtissant des barrages. Déjà forte de quatre communautés linguistiques, la Suisse a gagné, au fil des décennies, bien plus que des points de PIB. Elle s’est enrichie d’une inestimable diversité culturelle, source d’ouverture ou, plus prosaïquement, de buts marqués au Qatar.
De l’apprentissage des langues à la cohésion sociale en passant par la densité de la population, les aspérités ne manquent évidemment pas dans ce qui s’annonce comme le défi économique de la décennie. Mais comme disait l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel, «Wir schaffen das!». Car nous n’avons tout simplement pas le choix.
Vos contributions
connexion créer un compte gratuit