L’impératif d’anticiper la reconstruction de l’Ukraine, malgré la guerre
Editorial
EDITORIAL. La Confédération a eu raison de saisir l’occasion d’organiser un sommet à Lugano. Mais elle ne doit pas s’offusquer si d’autres Etats européens cherchent eux aussi à entamer les discussions sur la reconstruction

On aurait tort de voir avec mépris la Conférence de Lugano sur la reconstruction de l’Ukraine. Cette dernière, qui connaît une guerre meurtrière après l’invasion brutale de la Russie le 24 février, a besoin du soutien de la communauté internationale pour envisager, une fois les hostilités achevées, de se reconstruire. La Suisse a eu raison de greffer une réunion diplomatique internationale sur le rendez-vous annuel luganais consacré aux réformes que Kiev devrait entreprendre. Elle peut apporter son savoir-faire dans le domaine. La Confédération a une indéniable expertise dans l’accompagnement des processus de justice transitionnelle et aurait tort de ne pas en faire bénéficier un tel processus, même à un stade embryonnaire.
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Rebâtir l'Ukraine
Entamer des discussions sur un éventuel plan Marshall pour l’Ukraine alors que la guerre continue de ravager le pays avec un bilan humain catastrophique peut paraître incongru. Ce n’est pas le cas. Les Etats et organisations qui soutiennent l’Ukraine face à Vladimir Poutine et ses rances ambitions impérialistes se doivent de montrer un front uni.
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Déterminer les critères auxquels doit obéir la reconstruction est pertinent. Les mesures pour empêcher que les fonds alloués à l’Ukraine ne finissent dans de sombres affaires de corruption seront impératives. Rebâtir devra aussi s’inscrire dans une logique compatible avec la lutte contre le changement climatique. Et c’est l’Ukraine entière qui devra s’approprier le processus et participer aux efforts de reconstruction. En excluant d’emblée l’opposition, Kiev planterait déjà les graines de crises futures.
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Il ne faut toutefois pas se méprendre sur l’importance et la portée du sommet de Lugano. La Suisse agit à sa mesure. Quand la presse alémanique dénonce l’affront fait par le chancelier allemand et la présidente de la Commission européenne lorsqu’ils annoncent une autre conférence sur la reconstruction au sortir du G7, elle oublie une chose. La Suisse s’est elle-même distanciée de l’UE et son isolement européen se vérifie. Il n’y a que peu de hauts responsables européens à Lugano, à l’exception notable d’Ursula von der Leyen. La reconstruction de l’Ukraine, qui vient d’obtenir le statut de candidat à l’UE, ne se fera pas sans une forte implication de Bruxelles. La Suisse paie en la circonstance le prix de sa désastreuse politique européenne.
Elle pourra néanmoins estimer que le rendez-vous de Lugano est un succès si des critères sérieux relatifs à la reconstruction de l’Ukraine figurent dans la déclaration finale du sommet. Si celle-ci devait rester vague et sans substance, on garderait de la ville tessinoise avant tout sa vocation touristique.
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