Voilà les pendules helvétiques remises à l’heure. En rappelant aux autorités suisses la dépendance militaire engendrée par l’achat de F-35 américains, l’ancien président François Hollande, présent ce mardi à Lausanne, redit une évidence. S’armer aujourd’hui, dans un monde ligoté par la puissance des technologies, est une décision bien plus complexe qu’autrefois, lorsqu’il s’agissait d’acquérir des canons et des chars pour les positionner sur nos frontières. De facto, la neutralité suisse devra peut-être s’accommoder, demain, d’un interrupteur «on-off» situé sur une base militaire américaine, caché dans les logiciels embarqués sur le chasseur ultramoderne de Lockheed Martin. Poser cette question, à l’heure où une initiative est lancée contre ces appareils, est un devoir.

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La décision de la Suisse, pays partenaire de l’Union européenne et en «paix perpétuelle» avec la France depuis le traité de Fribourg de 1516, jette néanmoins un pavé dans le ciel de nos voisins. Qu’une Confédération aussi prospère et jalouse de sa souveraineté fasse le choix de confier la police de son espace aérien à des appareils américains confirme peu ou prou le nouveau puzzle stratégique mondial, illustré par le récent renoncement de l’Australie à acquérir 12 sous-marins français. Un puzzle dans lequel l’UE, divisée sur sa défense autonome, peine de plus en plus à s’insérer.

Ce constat conforte Micheline Calmy-Rey dans sa suggestion d’une «neutralité active» pour l’UE. L’idée, dans le brouillard géopolitique actuel, peut être séduisante. Mais l’histoire, l’affaiblissement du multilatéralisme et la réalité des nouvelles menaces – terrorisme, cyberattaques, migrations, guerre spatiale – ne plaident guère pour que nos voisins s’inspirent de l’exemple suisse. Reste la réalité évoquée dans nos colonnes par François Hollande: le besoin urgent d’une boussole stratégique commune. Faute de quoi l’Union, divisée, se retrouvera cantonnée à une impuissance encore plus «humiliante» pour elle que la neutralité. Avec ou sans F-35.