Avec des coûts estimés à 35 millions d’euros, le procès des attentats de Bruxelles qui s’est ouvert le 5 décembre n’entrera pas seulement dans les annales comme le plus dispendieux de l’histoire judiciaire belge. Il marquera également par sa terrible cacophonie.

Le 22 mars 2016, deux djihadistes se font exploser dans le hall des départs de l’aéroport de Bruxelles. Une heure après, un troisième fait de même dans une station de métro du quartier européen. Bilan: 32 morts, plus de 300 blessés, une nation endeuillée. Six ans plus tard, neuf individus font face à la justice. Parmi les détenus, un certain Salah Abdeslam, déjà sous le coup d’une peine de perpétuité incompressible pour son rôle joué dans les attentats de Paris en novembre 2015.

Face à un tel procès, dire que les attentes sont immenses est un pléonasme. Or, depuis un mois, cafouillages et coups de théâtre le plombent et empêchent d’entrer dans le vif du sujet. Le chaos s’invite à tous les étages. Les polémiques sur les conditions de comparution et de transfert des accusés se multiplient. Quel triste spectacle!

Bien sûr, les procès d’assises sont coutumiers de rebondissements, de jeux de pression et de guerre des nerfs. Et dans un cas aussi sensible – la plupart de ceux qui comparaissent ont déjà été condamnés en lien avec les attentats de Paris –, il est inévitable que les exigences revendiquées par les accusés puissent déranger, voire choquer. Mais ils ont droit à un procès équitable.

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Le cirque ne se joue pas du côté de la défense, qui a déjà obtenu le démontage des box des accusés et l’interdiction de fouilles à nu systématiques sans justification explicite. Mais le fiasco est bien le fait des autorités judiciaires et de la police belges, qui auraient pu éviter ce type de déconvenues. Les voilà, sur fond de rivalités, accusées de ne pas respecter la Convention européenne des droits de l’homme. Et, pire, soupçonnées de ne pas appliquer correctement la décision de justice sur les fouilles. Les djihadistes passent presque pour des victimes. Ce procès révèle une bien «triste image du fonctionnement des pouvoirs en Belgique», a dénoncé cette semaine un des avocats des parties civiles.

Dernière absurdité en date: ce jeudi, la police a fourni les documents exigés pour justifier les fouilles, mais en… néerlandais, alors que la langue de la procédure est le français, provoquant ainsi de nouveaux retards. Ce procès mérite bien plus que de se transformer en très mauvaise blague. Pour les victimes et leurs proches. Au nom de la dignité, de la décence et du respect de l’Etat de droit. Il est temps que la justice belge se débarrasse enfin du voile de honte qui pèse sur le procès.


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