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Le livre est à tout le monde

ÉDITORIAL. Le Salon du livre ouvre à Palexpo après trois ans d’absence. Dans ces temps polarisés, une occasion unique de mettre l’écrit et le débat à l’honneur

On vient en famille à Palexpo (ici lors de l'édition 2019). — © SALVATORE DI NOLFI / KEYSTONE
On vient en famille à Palexpo (ici lors de l'édition 2019). — © SALVATORE DI NOLFI / KEYSTONE

Le Salon du livre de Genève ouvre ses portes aujourd’hui à Palexpo après trois ans d’absence. Le covid est passé par là. Mais pas seulement. Une guerre en Europe qui s’enfonce dans l’horreur, des tensions climatiques exacerbées, des menaces sur la démocratie par les populismes de tout bord, une crise bancaire et sa casse sociale en Suisse. Le retour de la grande manifestation dans le lieu qui l’a vue naître en 1987 pourrait paraître anecdotique. Rien n’est plus faux.

Pour prendre la mesure de l’évènement, il faut écarter deux attitudes. L’esprit chagrin tout d’abord, qui voudrait ne voir dans les halles de Palexpo qu’un lieu froid et peu accueillant. L’autre, une sorte de lassitude d’enfant gâté qui ne sait où donner de la tête devant l’offre culturelle pléthorique. En 35 ans, le nombre de festivals littéraires ou de salons d’auteurs en Suisse romande a été multiplié par cinq, puis par dix. A quoi s’ajoutent des lieux entièrement dévolus aux rencontres et aux animations littéraires comme la Fondation Jan Michalski à Montricher et la Maison Rousseau et de la littérature à Genève. Dans ce contexte, le Salon du livre n’a plus le brio de ses débuts.

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Foire au sens noble

Mais il garde pourtant l’essentiel, à savoir sa taille. Le Salon de Genève est la seule foire du livre de Suisse, «foire» étant utilisé dans son sens noble de rencontres, de brassages, de désordre fertile. C’est parce que le Salon est à Palexpo, grande halle capable d’accueillir des dizaines de milliers de visiteurs, que le grand public s’y sent chez lui, sans jugement, sans exigence de savoir préalable. Une dimension que la manifestation a d’autant plus cette année qu’elle devient gratuite. A côté des excellents festivals qui ont essaimé dans toute la Suisse romande, il faut un lieu et un Salon qui s’adressent autant aux connaisseurs qu’à celles et ceux qui ont peu accès aux livres.

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En trois ans, autre chose encore a changé: l’emprise des réseaux sociaux et du numérique sur nos vies, et en particulier, sur celles des plus jeunes. Le Salon du livre, c’est aussi, voire surtout, 300 classes d’enfants et d’adolescents qui déambulent avec gourmandise dans les travées. Qui voient des gens qui discutent, qui échangent des idées sans forcément être d’accord entre eux. Ils découvrent que les livres sont des vecteurs d’imaginaire et donc de joie. Ils ne s’en rendent pas compte sur le moment mais ils repartent changés. Oui, plus aguerris pour repousser les guerres et les populismes. Et pour inventer demain.