ÉDITORIAL. Mercredi, le collège gouvernemental a une nouvelle fois refusé de signer et ratifier sans délai le Traité de l’ONU sur l’interdiction des armes nucléaires. Le parlement, désavoué, et la société civile pourraient lui signifier son manque de courage et de vision

Etrange mélange des genres dans la décision du Conseil fédéral de surseoir une nouvelle fois à une décision sur l’adhésion de la Suisse au Traité de l’ONU sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). En voulant jouer le «bâtisseur de ponts» entre Etats détenant la bombe et ceux qui n’en ont pas, le gouvernement surestime prétentieusement sa capacité à jouer les médiateurs dans un dossier stratégiquement et politiquement extraordinairement sensible, qui n’implique rien de moins que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et quatre autres Etats. En cinquante et un ans, le Traité de non-prolifération nucléaire n’y est pas parvenu.
En refusant de ratifier le TIAN, le collège gouvernemental révèle parallèlement une pusillanimité marquée quand il s’agit d’affirmer sa différence. Dépositaire des Conventions de Genève et siège du CICR, la Suisse a fait de l’humanitaire l’une de ses marques de fabrique. Par sa décision de ne pas décider, elle saborde un positionnement international qui lui permet de tirer des gains politiques qui vont bien au-delà de son poids réel sur la scène internationale. En la matière, la Norvège, extrêmement active sur le plan diplomatique, aurait de belles leçons à donner à la Confédération.
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Le moment géopolitique est pourtant grave. Après le retrait américano-russe du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire et le risque de non-reconduite du nouveau traité Start en 2021, une nouvelle course à l’arme nucléaire se profile. Avec un risque accru de prolifération de l’arme atomique et une stabilité stratégique fortement affaiblie par rapport à la guerre froide.
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L’exécutif fédéral, incapable de respecter le vote du parlement, rate une nouvelle fois le coche. A l’image du climat où les politiciens ont été dépassés par les ardeurs d’une jeunesse qui manifeste en masse, il ne prend pas la mesure de l’époque. 26 000 personnes ont déjà signé une pétition exhortant le Conseil fédéral à adhérer au TIAN. Face à l’inertie gouvernementale, la rue pourrait s’emparer d’un combat contre l’arme nucléaire qui, comme le changement climatique, constitue une grave menace pour l’humanité entière. Les survivants d’Hiroshima attendent une nouvelle norme interdisant l’arme atomique depuis 74 ans. Il est temps que la Suisse les écoute.
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