Messages: l’immense erreur stratégique de Swisscom
ÉDITORIAL. L’opérateur laisse tomber les MMS et pousse ses clients à utiliser des messageries commerciales telle WhatsApp. Un non-sens absolu

C’est une remarque qui m’avait interpellé. Un jour, un collègue à qui j’avais envoyé un message avait ri et m’avait dit ceci: «Quoi, toi le geek qui adore les nouvelles technologies, tu m’envoies un SMS?!»
Oui, un SMS. Pour certains, ce service, dont on célèbre ce samedi 3 décembre les 30 ans, semble antédiluvien. A l’heure des WhatsApp, Telegram, Viber et Signal, quelle drôle d’idée d’employer un moyen de communication aussi basique.
Le SMS, et sa déclinaison multimédia MMS, a beau être très simple, il est aujourd’hui le moyen le plus direct et efficace pour communiquer. Pas besoin d’une application tierce, pas besoin de passer par les services d’une multinationale telle Meta (propriétaire de WhatsApp)…
A première vue, l’abandon progressif par Swisscom (mais aussi Salt) du MMS d’ici au 10 janvier 2023 semble anecdotique. Mais en réalité, c’est une immense erreur stratégique que fait l’opérateur. D’abord, il prive ses millions de clients d’un service efficace, au nom d’économies qu’il refuse lui-même de chiffrer.
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Fin de partie pour les MMS
Ensuite, et l’on en vient au côté stratégique de cette affaire, Swisscom lance ses clients dans les bras de sociétés étrangères. Il leur conseille d’abord d’utiliser WhatsApp, tout en déplorant un «manque de clarté dans la protection des données sur cette appli». L’opérateur oriente ensuite ses clients vers les alternatives Threema, Signal ou TeleGuard.
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Et voilà, fin de l’histoire. Après avoir gagné, grâce à ses clients, des centaines de millions de francs avec des SMS vendus si cher, Swisscom quitte la partie en délaissant les MMS. Certes, l’opérateur avait bien tenté de lancer son propre service de messagerie, iO, en 2013. Mais faute d’intérêt de la part des consommateurs, il en avait tiré la prise quatre ans plus tard. Ce fut bien la seule tentative de l’opérateur de régater dans le marché des messageries.
Bien sûr, on ne demande pas à Swisscom de régler la bataille entre Apple et Google, dont l’incompatibilité des messageries est consternante. Mais au moins Swisscom aurait-il pu faire l’effort de soutenir ses clients qui veulent échanger des messages sans employer les services d’une entreprise tierce.
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On a vu l’opérateur abandonner Docsafe, un système de stockage et de gestion des documents en ligne. On a remarqué qu’il était extraordinairement timide sur le marché du cloud pour les particuliers, alors qu’il s’agit d’un domaine stratégique. Et aujourd’hui, on découvre un Swisscom qui baisse pavillon face aux applis de messagerie. Ce manque d’ambition est attristant.
Bien sûr, l’opérateur – appartenant toujours en majorité à la Confédération, faut-il le rappeler – excelle dans les réseaux, son métier de base. Mais transmettre des photos à tout le monde devrait aussi faire partie des services minimums sur son cahier des charges.
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