Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) doit faire face à une nouvelle polémique: la disparition de requérants d’asile. Ils ne «disparaissent» plus seulement quand ils savent qu’ils seront frappés d’une décision négative, pour éviter une expulsion, mais à peine arrivés en Suisse. Le phénomène est nouveau. Plus de 50% des migrants venus en Suisse ces derniers mois s’évanouissent dans la nature. Parfois quelques heures seulement après être arrivés dans un centre d’enregistrement, sans même déposer une demande d’asile. Personne ne sait vraiment où ils vont. Certains viennent grossir les rangs des sans-papiers, d’autres – c’est le scénario que privilégie le SEM – partent vers l’Allemagne, ou la Suède.

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Le phénomène intrigue. Il fait l’objet de récupération politique, car il vient biaiser les statistiques de l’asile. Impuissant, le SEM met sur pied des mesures pour tenter de maîtriser ces fuites. Cela passe par une accélération de la prise en charge dans les centres, ou encore une meilleure collaboration avec les gardes-frontières allemands et italiens. L’enjeu: que la Suisse ne devienne pas un pays de transit.

Mais il y a plus urgent: l’afflux des requérants mineurs non accompagnés (MNA). Les chiffres sont vertigineux: le nombre de MNA dans l’UE a été multiplié par huit depuis 2013, pour s’établir à environ 100 000. En Suisse aussi la hausse est très marquée. Et les autorités continuent à minimiser le phénomène. Il suffit de se pencher sur la situation de Côme, près de la frontière suisse, où des requérants refoulés par la Suisse s’entassent dans des campements de fortune, pour le constater. C’est préoccupant. Parmi eux, une centaine d’enfants, qui plutôt que d’être rejetés au nom de l’accord de Dublin, mériteraient une protection particulière. Certains ont de la famille en Suisse et ne cherchent pas qu’à traverser notre pays. Par ailleurs, on le sait, les prises en charge des requérants en Italie restent lacunaires.

Livrés à eux-mêmes, en prenant seuls le chemin de l’exil, ces MNA «disparaissent» aussi parfois, y compris dans la nature suisse. Déjà vulnérables, ils deviennent des proies pour toutes sortes de trafiquants. Fin janvier, un responsable d’Europol avait tenu des propos alarmants: au moins 10 000 enfants migrants auraient disparu des radars en Europe ces deux dernières années. La moitié d’entre eux seraient passés par l’Italie.

Il est temps d’en finir avec cette attitude hypocrite et irresponsable: avant d’être des migrants, ces MNA sont d’abord des enfants, et doivent être traités comme tels. La Suisse ne peut pas continuer de fermer les yeux sur cette problématique qui prend des proportions dramatiques.

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