Le contenu de ce rapport n’a malheureusement rien d’une farce. Sévère mais étayé, il décrit par le détail la mise au pas depuis 2017 de toute une population, celle des musulmans peuplant la région autonome du Xinjiang. Des accusations déjà portées à la connaissance du public par plusieurs études d’ONG, mais qui prennent, sous le sceau de l’ONU, un caractère plus embarrassant pour les autorités chinoises. Celles-ci continuent de réfuter toute critique, niant jusqu’à l’existence des camps de rééducation. Pourtant, les faits, rapportés par les propres enquêtes du Haut-Commissariat, sont implacables. La Chine, sous prétexte de lutte contre l’«extrémisme» et le «terrorisme», a imposé l’arbitraire et la discrimination.
En procédant à une analyse détaillée des lois et pratiques qui mènent à cet arbitraire et ces discriminations, qui valent en réalité pour toute la Chine, ce rapport pourrait marquer une rupture et provoquer une confrontation au sein des instances de l’ONU. La Chine, après avoir longtemps dénoncé le caractère bourgeois des droits de l’homme, s’était en effet résolue à faire sien le langage onusien pour mieux le transformer de l’intérieur et le neutraliser. De ce point de vue, le rapport sur le Xinjiang est un échec cinglant. Pékin dénonce aujourd’hui un exercice qui violerait la Charte de l’ONU. Dans le contexte de la guerre russe contre l’Ukraine et la formation de blocs idéologiques de plus en plus antagonistes, les autorités chinoises pourraient accentuer le combat contre ce qu’elle nomme «le legs colonial», y compris au sein de l’ONU. Elle ne sera pas isolée dans cette voie.
En mettant à nu l’arbitraire de Pékin au Xinjiang, le rapport de l’ONU parle d’un autre colonialisme. Les Ouïgours qui en sont victimes y verront un signe de reconnaissance. Le monde musulman ne pourra plus détourner les yeux.