Pourtant, ce sont bien les Chypriotes grecs qui risquent de payer le prix fort pour ce qui est ressenti comme une bravade à l'encontre de l'Europe, de l'ONU et de l'ensemble de la communauté internationale. Chypre rejoindra l'Europe élargie, non seulement privée d'une part d'elle-même mais aussi entourée des réprobations de ses 24 nouveaux partenaires. A réclamer la justice absolue et la reconnaissance de tous leurs droits légitimes, les Grecs de l'île d'Aphrodite n'auront au final rien obtenu. Pire: alors que la frontière entre les deux Chypres devient à présent celle de l'Europe, les petites ouvertures par lesquelles commençaient à se rapprocher les deux communautés risquent de se refermer avec fracas. Il ne reste que regrets et souvenirs pour ces milliers de Chypriotes grecs qui, depuis trente ans, n'ont pas remis les pieds dans leurs villes et villages d'origine.
Le mur de la méfiance
Trop de peurs, trop de méfiance, trop d'arrière-pensées politiques. On
Trop de peurs, trop de méfiance, trop d'arrière-pensées politiques. On avait pris l'habitude de considérer les Chypriotes turcs comme les seuls fautifs de la déchirure chypriote. Mais en votant pratiquement comme un seul homme contre le plan élaboré au Bürgenstock, c'est pourtant la partie grecque qui a refusé une réunification de l'île, fût-elle très imparfaite. Paradoxalement, l'historique réconciliation européenne que l'on célébrera cette semaine s'achèvera, à l'Est, sur la frontière de barbelés, de murs et de miradors qui continueront de couper Chypre en deux.
La Turquie et ses protégés chypriotes ont beau jeu de se présenter aujourd'hui comme les victimes innocentes. Pendant des décennies, l'obstination de leur chef d'opérette Rauf Denktash, le transfert sur l'île de milliers de paysans d'Anatolie, la militarisation à outrance du territoire sont pour beaucoup dans les réticences qu'ont eues leurs voisins à l'heure de leur offrir le bon Dieu sans confession, comme le demandait peu ou prou le référendum. Nul ne peut souffler impunément sur les braises pour se plaindre ensuite de s'être brûlé.