Les chiffres donnent le tournis. Plus de 5000 milliards de dollars débloqués pour relancer l’économie mondiale et donner aux institutions financières internationales les moyens d’agir et de mieux réguler. A Londres, jeudi, les chefs d’Etat et de gouvernement du G20 ont mis en face de leurs promesses des sommes dont tout le monde, à première vue, peut légitimement douter. Le bilan de cette journée qualifiée d’historique par tous, de Barack Obama à Nicolas Sarkozy en passant par le président chinois Hu Jintao, n’est-il pas trop massif pour être vrai?
Par son ampleur sans précédent, cet effort de relance et de régulation dépasse l’impact chiffré. Il traduit un tournant politique. Le G20, tous les spécialistes l’affirment désormais, sera le nouvel arbitre des maux économiques, commerciaux et financiers de la planète. Cela ne veut pas dire, c’est évident, que le Conseil de sécurité de l’ONU ou que le G8 se laisseront dépouiller de leurs attributions. Cela ne veut pas dire non plus que, sitôt la croissance revenue, la politique des stricts intérêts nationaux ne reprendra pas ses droits. Mais la crise a ébranlé les équilibres d’hier. Barack Obama a eu beau jeu de plaisanter, devant ses pairs, en se présentant comme le «petit dernier arrivé dans la cour». Son lyrisme sur les «mortels ennemis d’hier» affairés désormais à tenter, ensemble, de relancer la machine économique planétaire peut aussi sembler naïf. Mais la cour a bel et bien changé. Et il en est, avec le volontarisme américain qu’il incarne, une prometteuse locomotive.
Gardons aussi les yeux ouverts sur l’effort de régulation internationale. Car qui dit règles dit droit. Et qui dit droit dit nouvelles manières de commercer, de négocier, de fiscaliser ou de protéger les avoirs de ses concitoyens et de ses clients. C’est là que la décision, prise par le G20, de demander à l’OCDE une liste des pays et entités coopératifs, ou non, sur le plan fiscal prend toute sa valeur.
La Suisse, dont les efforts récents ont payé, n’aurait dans ce contexte rien à gagner à interpréter cette surveillance – valable aussi pour le Luxembourg, la Belgique ou l’Autriche – comme une mise à l’index. Une méfiance, c’est vrai, est palpable au sein des pays européens du G20 envers la Confédération et son secret bancaire. Rien ne sert de la nier. Une bataille, comme à chaque fois qu’une liste est dressée, va maintenant se jouer, au niveau du G20 et de l’UE, pour s’assurer à la fois que les accords renégociés seront pris en compte, que tous les partenaires se prêteront au jeu sincèrement et avec rapidité, et que chacun, sous toutes les latitudes, sera jugé de la même façon. La volonté nouvelle de transparence à l’échelle internationale est donc une arme à la disposition, aussi, de la Confédération. Pour demander à son tour justice et équité.
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