Editorial
Le vrai drame n’est pas que le ministre valaisan ait engagé un survivaliste pour le conseiller, mais qu’il pense comme lui

Le gouvernement valaisan est enfin sorti de sa réserve. Il a recadré son ministre Oskar Freysinger pour avoir miné la «crédibilité» du canton en embauchant comme conseiller le survivaliste Piero San Giorgio, prisé de l’extrême droite. Il promet même d'«analyser» les conditions de ce recrutement. Pas encore de quoi inquiéter le conseiller d’Etat UDC chargé de la sécurité, qui a lancé sa campagne de réélection par cette provocation médiatisée, à même de séduire son électorat le plus extrême.
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Mais quelque chose, une forme de barrière morale, a été brisé dans cette affaire. Oskar Freysinger et surtout son conseiller en communication Slobodan Despot auraient dû savoir que leur consultant en survie post-apocalyptique tenait, sur Internet, des propos qu’on peut qualifier de nazis. Qu’un tel personnage soit présenté comme un expert en sécurité des populations par un Conseiller d’Etat en exercice semble être une première en Suisse romande.
L’action d’Oskar Freysinger est déplorable à plus d’un titre. D’abord, il feint d’ignorer les limites de ses compétences d’édile cantonal. La protection de la population suisse en cas de catastrophe est du ressort de la Confédération. Dépenser l’argent du contribuable valaisan à des spéculations sur l’écroulement de notre civilisation équivaut à un gaspillage pur et simple.
D’autant que le conseil donné est idiot. Certes, il n’est pas stupide de s’inquiéter des chances de survie de l’humanité face aux crises écologiques, de s’interroger sur la viabilité du capitalisme ou de vouloir anticiper les crises migratoires. Mais ces problèmes nécessitent des réponses plus intelligentes que le repli dans un chalet bourré de vivres, un fusil à la main. Se murer dans une base de survie en attendant l’apocalypse n’est pas le bon moyen de l’empêcher.
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Plus grave est le message sous-jacent envoyé par le recrutement de Piero San Giorgio: armez-vous, préparez-vous à la guerre civile et à une invasion de migrants destructeurs. Tous ceux qui n’adhèrent pas à cette démarche sont des «bisounours». C’est là que réside le vrai drame. Oskar Freysinger n’a pas seulement exhibé son expert survivaliste par goût du politiquement incorrect. Il croit véritablement à ses thèses. Et personne au Conseil d’Etat ne pourra l’en empêcher. Seuls les citoyens valaisans pourront sanctionner, lors de l’élection de leur gouvernement au printemps prochain, ce dérapage de trop.
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