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Au pays du folklore outrageant

EDITORIAL. Le cas de Salvatore Scanio face à la Commission des naturalisations de la municipalité de Nyon est emblématique d’une méthode suivie dans de nombreuses communes, et éclaire un débat difficile au pays de Tell, qui érige le passeport au rang de presque sacre

La nouvelle loi sur la naturalisation entrée en vigueur cette année, durcit encore les conditions pour l’obtention de la nationalité suisse. Elle s’accompagne malgré tout d’un aspect bénéfique: l’uniformisation des examens. — © CHRISTIAN BEUTLER / Keystone
La nouvelle loi sur la naturalisation entrée en vigueur cette année, durcit encore les conditions pour l’obtention de la nationalité suisse. Elle s’accompagne malgré tout d’un aspect bénéfique: l’uniformisation des examens. — © CHRISTIAN BEUTLER / Keystone

Des faiseurs de Suisses au pays du Paléo? Dans la ville du syndic bonnard aux chemises à carreaux, orchestrant sa commune comme son festival? Une blague, aurait-on dit. C’était avant la rocambolesque histoire de Salvatore Scanio, ce secondo recalé devant la commission des naturalisations ainsi que son épouse, et qui aura révélé une tout autre musique. Celle, folklorique et surannée, de vaillants politiciens bien décidés à prouver que le passeport rouge à croix blanche se mérite. Comment? En restituant le contenu d’une brochure qui finit par surclasser les critères d’intégration et de langue. Pour ces politiques qui la brandissent fièrement, on ne saurait exonérer des étrangers, soient-ils nés en Suisse, de bûcher pour obtenir le sésame. Et éventuellement de suer devant le pupitre de l’arrogance.

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Devant la persévérance et l’indocilité du couple qui s’est refusé de se soumettre une nouvelle fois au jury de la mémorisation, la municipalité a dû revoir sa copie. En octroyant à Salvatore Scanio ce qu’il aurait dû obtenir d’entrée de jeu, mais en refusant à son épouse le même traitement, malgré une intégration que personne ne met en doute.

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Si cette histoire est emblématique d’une méthode suivie dans de nombreuses communes, elle éclaire un débat difficile au pays de Tell, qui érige le passeport au rang de presque sacre. La nouvelle loi sur la naturalisation, d’ailleurs, entrée en vigueur cette année, durcit encore les conditions pour l’obtention. Il faut désormais dix ans de résidence en Suisse, un permis C, la maîtrise orale et écrite d’une langue nationale, ne pas avoir été au bénéfice de l’aide sociale. Tout ceci fermera d’évidence la porte à de nombreux candidats et pourrait s’avérer dommageable.

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D’abord parce que la Suisse n’a pas vocation à devenir un pays pour éternels étrangers, alors que sa démographie est faible. Si la Suisse a su se préserver des ghettos, reconnaissons aux étrangers assimilés la faculté d’être citoyens. Ensuite parce que la naturalisation favorise l’identification à un pays et à ses usages. Si nous n’irons pas jusqu’à penser qu’elle est une étape de l’intégration, elle est certainement un antidote aux communautarismes.

Le durcissement de la loi s’accompagne malgré tout d’un aspect bénéfique: l’uniformisation des examens. C’est la voie que le canton de Vaud a choisie, en application de la loi fédérale. Ce travail devrait permettre d’éviter la subjectivité des commissions et l’arbitraire. Il devrait aussi procurer aux candidats un sentiment d’équité qui fait défaut lorsque les communes sont toutes-puissantes: s’ils n’avaient pas déménagé de Genève à Nyon, les Scanio seraient devenus Suisses en silence. Et on n’aurait gardé de la cité lacustre que les belles envolées musicales du Paléo.