ÉDITORIAL. Alors que l’Europe affronte le coronavirus, la Chine a un coup d’avance: son économie redémarre et sa campagne de propagande bat son plein

C’est un heureux hasard rapporté mardi en Chine: alors que le bouclage de la ville de Wuhan, épicentre de la pandémie, doit être levé, le pays n’annonce pour la première fois aucun nouveau décès lié au Covid-19. Pendant ce temps, en Europe, des centaines de milliers de personnes se débattent face au coronavirus, dont le premier ministre britannique. Désormais, les cargaisons de masques made in China s’arrachent. Et au moment où nous assistons, incrédules et confinés, à cet indigne chacun pour soi, l’économie chinoise redémarre. A celui ou celle qui n’aurait aucune lecture politique de cette séquence d’événements, le succès de Pékin paraîtrait total.
Or, il faut garder en mémoire trois faits fondamentaux. Si l’apparition de ce virus n’est de la faute de personne, elle a été cachée. Sa létalité réelle a, elle aussi, été tenue secrète. Ces deux raisons ont privé le reste du monde d’un temps précieux et d’informations essentielles. Et, alors que nous sommes happés par cette crise centennale, les autorités chinoises jouent déjà le coup d’après.
A court terme et à grand renfort de propagande, elles se présentent comme l’émanation d’une puissance bienveillante, prête à aider ceux qui affrontent la vague des malades et des morts. La partie est aisée dans les pays qui ont eu à souffrir du colonialisme. Mais elle l’est également de plus en plus chez des Européens fatigués des complexités de leur propre système et admiratifs devant l’efficacité du modèle autoritaire.
Lire aussi: Wuhan, ville martyre, pleure ses morts
A long terme, Pékin vise aussi les institutions qui régulent la vie internationale, dont beaucoup sont basées à Genève. L’Organisation mondiale de la santé n’a que trop tardé à tirer la sonnette d’alarme, estimant que maintenir le dialogue avec le gouvernement chinois était plus précieux que d’avertir le monde d’un danger imminent. L’Union internationale des télécommunications est à son tour approchée par les émissaires de Pékin proposant un modèle d’«internet des Etats».
A ce sujet: La Chine exacerbe la bataille pour le contrôle d’internet
Si nous versons des larmes de crocodile lorsqu’il est question des pressions de la Chine au Conseil des droits de l’homme, qu’en est-il à présent que la santé de nos concitoyens est directement menacée par l’opacité de ce modèle autoritaire? Que deviendrions-nous si notre liberté d’expression et d’information était soumise au bon vouloir étatique? Lorsque cette crise sera derrière nous, saurons-nous prendre la mesure du défi que pose à nos sociétés démocratiques l’habileté du Parti communiste chinois?
Lire également: Témoignages de Wuhan, loin de l’image diffusée par les médias chinois