«Après la réunification, on va faire une rééducation.» La sortie de l’ambassadeur de Chine en France à propos des Taïwanais fera date. En direct, Lu Shaye – c’est son nom – s’exprime à la télévision comme on le fait au sein d’une cellule du Parti communiste. En Chine, cela ne surprendra pas. Hors de ses frontières, ces propos sont choquants. Pour rappel, la «rééducation» s’exerce dans des camps par le travail, la torture et le lavage de cerveau. Cette soumission radicale des individus vise les opposants et les Ouïgours ces dernières années.

Donner une visibilité à Taïwan

On peut s’interroger sur les intentions des Etats-Unis lorsque Nancy Pelosi atterrit à Taipei. Etait-ce opportun, inutilement provocateur ou franchement une erreur? Cela ne justifie en rien les tirs de missiles au-dessus de Taïwan, l’encerclement militaire de l’île, le blocage des transports internationaux, le viol des eaux territoriales japonaises et un boycott économique. A l’image des propos de cet ambassadeur, la réaction de Pékin à la rencontre de deux femmes, de deux présidentes, l’une du Congrès américain, l’autre, Tsai Ing-wen, d’un territoire de 23 millions d’habitants, confine à l’irrationnel. Si c’est une leçon que voulait donner Xi Jinping, elle ne convaincra que ses partisans.

A l’inverse, le sang-froid des Taïwanais en ces circonstances – ils en ont certes vu d’autres – est remarquable. Il atteste de la maturité d’un peuple engagé dans une expérience démocratique depuis un quart de siècle sans équivalent en Asie. En l’espace de sept élections, les Taïwanais ont démontré qu’un peuple d’origine chinoise est parfaitement compatible avec l’exercice du multipartisme et les droits les plus avancés pour les minorités. Pékin voudrait qu’on oublie leur existence, sa surréaction les place au centre de l’actualité mondiale.

La démonstration de Xi Jinping

Ce n’est pas le séparatisme qui rend le pouvoir chinois si nerveux. Les Taïwanais restent en majorité favorables au statu quo, y compris dans les rangs du parti indépendantiste. C’est le contre-modèle politique du laboratoire taïwanais qui est intolérable aux yeux du parti unique. Après la rupture du contrat avec les Hongkongais, plus personne à Taïwan ne peut croire à la formule de Pékin pour une réunification au nom du principe «un pays, deux systèmes». Deng Xiaoping avait eu la sagesse de transférer la question de Taïwan aux générations futures, de favoriser une évolution pacifique. En imposant le tonnerre des canons aux oreilles des Taïwanais, Xi Jinping ne démontre qu’une seule chose: il devient à son tour un danger pour la paix mondiale.

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