Philip Morris, comme du reste les autres grands groupes cigarettiers que sont British American Tobacco et Japan Tobacco International, a pignon sur rue en Suisse. Mieux, ceux-ci sont des fleurons de la place économique, romande tout particulièrement.

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Ils ont installé dans nos cantons direction opérationnelle mondiale, siège régional, fabriques ou centres de recherche, en écho à une politique officielle consistant à attirer les multinationales. Ils assurent des milliers d’emplois et des recettes fiscales précieuses, le producteur de Marlboro passant même pour le premier contribuable neuchâtelois.

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La filière suisse du tabac, qui repose sur une forte tradition agricole indigène, produit deux milliards de paquets de cigarettes par an, dont les trois quarts sont destinés à l’exportation. Nous sommes dans le même ordre de grandeur, dans nos échanges commerciaux, que pour le fromage et le chocolat.

On se bouche le nez

Seulement voilà, ce fleuron-là est devenu infréquentable. Sa présence au pavillon suisse à l’Exposition internationale de Dubaï en 2020 suscite une vague de protestations auxquelles contribuent l’Office fédéral de la santé publique et l’Organisation mondiale de la santé.

Les méfaits du tabac sont incontestables et il n’est nullement dans notre intention de minimiser leur lourd coût social. Mais il y a une grande hypocrisie à se boucher le nez face à une entreprise dont on admet par ailleurs tout l’apport économique.

Un manque de sensibilité politique

Confrontés à un tel dilemme, les responsables de la présence suisse à l’étranger doivent faire preuve d’une grande sensibilité politique. De toute évidence, celle-ci a manqué jusqu’à présent. En faisant d’une entreprise aussi controversée le «partenaire principal» du pavillon suisse, le risque de la très prévisible polémique a été pris de manière téméraire et disproportionnée au regard de la somme en jeu.

Si cette nécessaire sensibilité ne peut être assurée, il faudra alors préciser les règles du jeu dans ce domaine. Au moins pour éviter que le bras droit et diplomatique de l’Etat ne sabote ce que fait son bras gauche et sanitaire. Mais peut-être les pavillons suisses, ceux qui représentent tout le pays à l’étranger, méritent-ils, au lieu de sponsors en quête de visibilité, des pouvoirs publics plus généreux ou des mécènes désintéressés.

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