Plaidoyer pour des animaux plus réels que réels dans les zoos
ÉDITORIAL. La cause des bêtes progresse dans nos sociétés. Un des bastions à conquérir est celui des parcs animaliers, qui sont de plus en plus contestés

Au premier soir de l’an neuf, la RTS a diffusé Victoria, le film de Justine Triet (2016) qui met notamment en scène un dalmatien très expressif dans le rôle d’un témoin au tribunal. Au-delà des cent un gags qui défilent dans cette comédie excentrique, le chien au service de la justice humaine incarne une problématique moins absurde qu’il n’y paraît: le paradigme inversé d’une société de plus en plus sensible à la cause de «nos amies les bêtes», comme on dit.
Ces derniers mois l’ont montré avec éloquence: cette cause-là progresse à une vitesse faramineuse dans les sociétés occidentales. A la faveur des mouvements végane et antispéciste, qui ne font volontairement pas toujours dans la dentelle pour démonter la logique de l’exploitation de l’animal par l’homme. Ou par la voix d’idéalistes suivant les sabots d’un paysan hanté par les cornes de vache. La Suisse, comme l’a aussi démontré un récent procès très médiatisé à Nyon, ne fait pas exception, même si elle bénéficie d’une des lois les plus élaborées qui soient au monde sur la protection des animaux.
Pourtant, dans ce pays dont le cirque national a éjecté les animaux de son arène, les citoyens vont vraisemblablement devoir se rendre aux urnes pour se prononcer une nouvelle fois sur le bannissement de la vivisection: lancée en 2017, une initiative réclame que l’expérimentation animale soit considérée comme un mauvais traitement envers les animaux et puisse constituer un crime. Les citoyens se sont déjà prononcés plusieurs fois sur le sujet, mais ils ont à chaque fois rejeté les textes. Cette fois-ci sera-t-elle «la bonne»? Léonard de Vinci, déjà, prédisait ceci: «Le jour viendra où les personnes comme moi regarderont le meurtre des animaux comme ils regardent aujourd’hui le meurtre des êtres humains.»
En attendant de savoir ce que nous réservent encore les nouvelles arches de Noé, un nombre croissant de personnes sont aussi gênées par le maintien en captivité d’animaux sauvages. Elles ne ménagent pas leurs efforts et leurs charges contre les zoos, qui seraient le symptôme, dégradant selon elles, d’une idéologie de domination de la nature. Le geste fait feu sur l’ère qui a débuté lorsque les activités humaines ont commencé à avoir un impact significatif sur l’écosystème planétaire. La conséquence – et l’objet du courroux –, c’est la crise environnementale actuelle. Et, avec elle, la disparition d’espèces dont les zoos contribuent pourtant, comme sanctuaires, à rappeler l’importance en matière de biodiversité.
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Voilà le dilemme. La solution pourrait bien prendre le chemin, une fois de plus, du numérique. Avec des zoos qui deviendraient des enclos de réalité virtuelle où se plonger dans la vie d’animaux plus réels que réels. Des zoos… sans animaux.