La discussion s’annonçait animée, elle a fini par avorter. Les délégués du Parti socialiste suisse ont adopté samedi la «feuille de route» qui leur était soumise en matière de politique avec l’Union européenne. Mais ils ont par contre reporté la discussion sur le point central de ce document, le fameux «EEE 2.0». Ce qui constitue un désaveu du comité, en particulier pour le président, Christian Levrat, et le conseiller national Roger Nordmann, fraîchement élu comme chef de groupe au parlement.
Le temps a-t-il manqué pour mener le débat sur cette étape intermédiaire à vrai dire encore assez floue? Sans doute. L’idée est de développer et d’approfondir les relations avec l’UE sous la forme d’un accord-cadre remplaçant les accords bilatéraux, sans exclure l’adhésion à plus long terme. Mais l’UE se révèle actuellement plus soucieuse du référendum sur le Brexit que de ses relations avec Berne. Et en Suisse, le scepticisme de la population est persistant. Dans ce contexte, les dirigeants du parti apparaissent un peu comme les derniers des Mohicans face à leur base. En même temps que le parti tout entier souffre de sa traîtrise à la cause des classes populaires, qui fuient vers l’UDC. Double décalage, que met en lumière le refus du revenu de base inconditionnel.
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Christian Levrat a raison de s’inquiéter des relations entre l’UE et la Suisse, même si un nouvel EEE reste une belle illusion, que Bruxelles botterait en touche sans états d’âme. Mais au plan intérieur, en tenant un discours très offensif contre la droite, il a tort de ne pas tirer les leçons de modération données par des délégués de plus en plus prudents – certains disent «embourgeoisés».
Impasse stratégique que cette présidence farouchement vissée à son siège depuis huit ans? Rien ne laisse entrevoir pour l’heure que Christian Levrat cède la place à un éventuel successeur après le virage à droite pris par les électeurs en octobre dernier. Cet aggiornamento de printemps – comme le montrent les directions renouvelées du PLR et, tout bientôt, de l’UDC et du PDC – serait pourtant salutaire pour asseoir une vista plus centriste et enrayer le recul électoral. Bref: pour donner, sur l’échiquier multipartite, les impulsions capitales en vue des prochaines élections fédérales. En 2019, lorsque la Suisse aura bien dû s’inventer un nouveau destin européen, acceptable par tous.