Saddam Hussein aurait-il survécu au Printemps arabe? Le magazine Time en est convaincu, tentant de justifier, dix ans après, le renversement du dictateur sanguinaire irakien. La question rhétorique révèle les difficultés qu’éprouvent les Etats-Unis à tirer des leçons utiles de la guerre d’Irak. Celle-ci a montré qu’une administration américaine pouvait encore, malgré le système des poids et contrepoids, justifier une campagne militaire sur la base de mensonges et obtenir l’adhésion d’une bonne partie du pays. En 2003, celui qui avait le courage d’exprimer une opinion dissidente au Congrès ou même dans les grands médias était un pestiféré.

Le «désastre» irakien, pour reprendre le vocabulaire du Baker Institute de Houston, a un prix moral. La démocratie américaine a laissé des images qui seront difficiles à oublier, celles de détenus torturés dans la prison d’Abou Ghraib. Des dérapages qui sont restés largement impunis. Il a aussi un prix politique. Les Etats-Unis auront plus de peine à «vendre» de nouvelles guerres à leur opinion publique, apeurée par une dette étatique de 16 000 milliards de dollars. La prudence de Barack Obama par rapport à l’Iran et à la Syrie relève de cette prise de conscience de la complexité moyen-orientale, mais aussi de la fatigue qu’éprouve l’Amérique après plus d’une décennie de guerre contre le terrorisme. Le retrait d’Irak opéré à la fin de 2011 répond à un réalisme politique dont Barack Obama se fait le héraut face aux courants néoconservateurs qui subsistent à Washington: l’Amérique a libéré l’Irak. Mais la pacification à terme du pays dépasse l’aptitude de la première puissance mondiale.

Un prix géopolitique enfin. Par leur aventurisme irakien, les Américains ont permis à l’Iran, leur ennemi atavique, de renforcer son emprise régionale et de les défier en toute confiance avec son programme nucléaire. Téhéran est persuadé que Washington n’est pas près de s’engager dans une guerre aux conséquences inconnues. L’hyperpuissance américaine est sans doute morte le 20 mars 2003.