Le procès de Tariq Ramadan méritait mieux
La justice genevoise a donné une image déplorable lors de cette audience ultra-médiatisée. Mis sous pression, le tribunal a passé ses nerfs sur la plaignante et laissé toute latitude à l’islamologue pour mener la danse

Lundi 15 mai débutait à Genève le procès très attendu de l'islamologue suisse Tariq Ramadan, accusé de viol et et de contrainte sexuelle sur une plaignante. Le Temps couvre les débats et le verdict prévu mercredi 24 mai. Retrouvez notre carnet d'audience et tous nos articles.
Cette semaine, Genève a vécu au rythme de l’affaire Ramadan. Le procès de l’islamologue, accusé de viol et de contrainte sexuelle, s’annonçait tendu. Mais cela a dépassé toutes les prévisions. Etrangement, c’est l’attitude du tribunal, sans doute déstabilisé par la pression ambiante, qui a mis de l’huile sur le feu et nui à l’image de la justice en se montrant, notamment, très peu respectueux de la plaignante. Une caricature de ce qui est souvent reproché au système lorsque est évoquée l’épreuve de la procédure. Quel que soit finalement le verdict qui sera rendu ou le poids qui sera accordé à la version de cette femme, elle n’avait pas à se faire crier dessus – pour rien – par des magistrats agités et traversés par un excès d’autorité.
On peut dire que les choses ont mal commencé. Le fait d’avoir prévu initialement seulement deux jours d’audience, avant de devoir en ajouter un, montre déjà le peu de sensibilité pour les enjeux de cette affaire et pour le temps nécessaire au déroulement de ce procès très disputé. La convocation de Dieudonné à la dernière minute – témoin sans doute le moins crédible du monde et condamné ici même pour ses propos négationnistes – participe aussi à la cacophonie ambiante.
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Les deux demandes de récusation formées par la défense et visant le président ne sont certainement pas étrangères à cette atmosphère. La première requête – pour avoir dirigé un procès en diffamation où Tariq Ramadan était plaignant – a été rejetée. La seconde – pour avoir d’abord refusé de verser le fameux courrier anonyme évoquant l’humoriste français – était encore en cours d’examen par l’autorité de recours au moment des débats. Une situation susceptible d’accentuer l’angoisse du faux pas chez un magistrat.
Déséquilibre
Force est de constater que le prévenu a bénéficié d’une latitude rarement de mise pour occuper le terrain, mener la danse lors de son interrogatoire, transformer ses réponses en discours et, au moment de prononcer les dernières paroles, s’en prendre à tous ceux qui le critiquent et même se retourner en vitupérant contre l’avocat français de la plaignante. Sans du tout être remis à l’ordre. Du jamais-vu.
L’ordre, c’était pour les autres. Ceux dont les Natel avaient le malheur de sonner dans la salle et ceux qui espéraient entendre quelque chose. Quelqu’un viendrait encore à se plaindre de l’acoustique? On n’aurait qu’à évacuer tout ce monde et garder les personnes assises aux premières loges, dixit le président. Drôle de manière de concevoir la publicité des débats. Le traitement infligé à la plaignante, au moment où celle-ci devait s’exprimer sur des questions forcément intimes, constitue évidemment le point d’orgue de la dérive. Ce procès méritait assurément mieux.
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