Publicité

Quand la jeunesse chinoise se couche

ÉDITORIAL. Concurrence effrénée, démographie en déclin, économie en berne, la Chine ne fait plus rêver sa jeunesse. Elle a pourtant encore des ressources

Parents d'élèves dormant dans un gymnase de l'Université de Wuhan à l'occasion d'une visite d'inscription. Chine, septembre 2012. — © STR / KEYSTONE
Parents d'élèves dormant dans un gymnase de l'Université de Wuhan à l'occasion d'une visite d'inscription. Chine, septembre 2012. — © STR / KEYSTONE

La Chine peine à se redresser. Après trois années d’un enfermement dicté par l’Etat pour lutter contre le covid, son économie est poussive, la dette des entreprises publiques gonfle, le marché immobilier s’effondre et les exportations n’ont pas retrouvé les volumes d’antan. Est-ce la fin d’un cycle, celui des «Trente Glorieuses» chinoises? Il est trop tôt pour l’affirmer. Tout comme il serait absurde de conclure à la faillite d’un modèle, celui du capitalisme autoritaire. Le géant asiatique a des ressources et son parti unique a encore la maîtrise de ce ralentissement. Et pourtant, le doute s’installe.

Lire aussi: «C’était mon rêve chinois»: face aux injonctions de Pékin, le malaise des jeunes diplômés

La jeunesse chinoise, surtout, peine à se relever. Particulièrement frappée par les mesures sanitaires, une partie de celle-ci s’est manifestée ces dernières années «en restant couchée» pour signifier son refus des injonctions du pouvoir et une compétition économique de plus en plus féroce. Le chômage des jeunes atteignait 21% en juin dernier avant que les autorités ne décident de censurer cette statistique. En début d’année, 7,7 millions de candidats se bousculaient pour l’attribution de 200 000 postes de fonctionnaires comme le relate le correspondant du Temps à Shanghai. La recherche de sécurité est à nouveau prisée dans un pays qui crée moins d’emplois pour une population mieux formée.

Le changement est saisissant. Il y a 30 ans, la jeunesse ne parlait que de «se jeter à la mer». La prise de risque, l’économie de marché, l’ouverture étaient valorisées, porteuses d’espoir en des lendemains meilleurs. Aujourd’hui, l’expression à la mode est «laisser pourrir les choses». L’incertitude s’installe, voire un sentiment de désillusion. La nouvelle génération sera-t-elle moins bien lotie que la précédente? Le déclin démographique entamé l’an dernier ajoute une forme d’angoisse: la Chine sera-t-elle vieille avant d’être riche? Et les économistes s’interrogent: leur pays dépassera-t-il un jour les Etats-Unis, comme promis par le parti?

Lire aussi: En graphiques – La Chine, ce pays qui ne fait plus rêver ses jeunes

Ces problèmes ne sont pas propres à la Chine. On pourrait même dire qu’ils attestent d’une forme de maturité, la Chine étant désormais frappée des mêmes maux que l’Occident. C’est oublier l’état embryonnaire de sa protection sociale et les contraintes de son régime politique. Le «rêve chinois», slogan inventé par Xi Jinping pour faire pendant au «rêve américain», était destiné à mobiliser une nation pour renouer avec la puissance. En 2023, la Chine ne fait plus autant rêver. Ni les industriels étrangers ni sa jeunesse.


Retrouvez  tous les éditoriaux du «Temps».

Les éditoriaux du Temps expriment un avis sur un sujet d’actualité traité par ailleurs sur nos supports. En ce sens, ils se distinguent donc des articles standards et se caractérisent en général par un style plus vif.