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Les raisons d’un ras-le-bol

Les comptes dans le rouge, Alpiq a décidé sans préavis de lâcher l’or bleu. L’économie électrique ne peut désormais plus échapper à sa réforme

La CEO d’Alpiq Jasmin Staiblin lors d’une conférence de presse, le 7 mars 2016. — © Keystone
La CEO d’Alpiq Jasmin Staiblin lors d’une conférence de presse, le 7 mars 2016. — © Keystone

A qui appartiennent les ouvrages hydroélectriques qui contenaient de l’or bleu et qui rejettent aujourd’hui des chiffres rouges? Font-ils partie du patrimoine national que la Confédération et les cantons doivent protéger au nom de la sécurité d’approvisionnement du pays en électricité? Ou s’agit-il de biens que leurs actionnaires peuvent vendre comme bon leur semble?

La question se pose une nouvelle fois brutalement au moment où Alpiq, sans consulter personne, décide de mettre en vente la moitié de son parc hydroélectrique qui vaut plusieurs milliards de francs.

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«En 2015 Alpiq continuera à se battre pour sauver l’énergie hydraulique suisse», écrivait la patronne du groupe dans le rapport annuel de la société issue de la fusion du romand EOS et du soleurois Atel. Il n’était pas précisé, alors, que ce combat s’arrêterait brutalement au printemps suivant. Alpiq voit désormais son avenir bénéficiaire dans les services énergétiques et le «trading». La production de courant en Suisse n’est plus vraiment sa tasse de thé.

On peut voir d’ailleurs, dans cette décision, une réaction de ras-le-bol d’un modèle de libéralisation partielle du marché qui place certains acteurs en position délicate, alors que d’autres engrangent des bénéfices.

C’est vrai, la redevance hydraulique tombe dans l’escarcelle de communes alpines quel que soit le prix du marché. C’est vrai, les petites sociétés électriques font d’excellentes affaires avec leurs clients captifs composés de tous les ménages helvétiques.

Alpiq se trouve du mauvais côté de la barrière. Le groupe n’a pas accès au consommateur final, mais il doit s’acquitter de la tâche, ingrate aujourd’hui, très rémunératrice hier, de garantir l’approvisionnement d’une partie du pays en électricité. Il a décidé de faire payer la moitié de la facture à ceux qui s’enrichissent en partie sur son dos, à savoir les distributeurs d’électricité.

Les autorités politiques, attentistes, et la branche électrique, passive, sont directement responsables de cette situation tendue. Il est trop facile d’accuser l’Allemagne de déstabiliser le marché avec ses subventions aux énergies renouvelables.

L’origine du problème est ailleurs. La Suisse a choisi de ne pas bousculer la mosaïque de centaines de sociétés électriques qui se sont réparti les tâches mais pas les bénéfices. La situation ressemble au morcellement à outrance des terres qui empêche toute productivité agricole. Lorsqu’il devient ubuesque, le paysage doit être remodelé, comme l’ont fait les syndicats de remaniement parcellaire sous la pression des autorités.

L’économie électrique a voulu échapper à cette profonde réforme structurelle devenue inévitable à cause de l’ouverture du marché. Il s’agit maintenant de rattraper l’erreur sans tarder. En évitant de tomber dans le piège de la rivalité économie privée-économie publique, puisqu’au final plus de 80% des pièces du puzzle électrique suisse sont en main publique.