Au terme de l’avant-dernière année de la législature 2015-2019, il n’est guère possible d’attribuer de bonnes notes au Conseil fédéral. Décisions cassées par le parlement (exportations d’armes, armes nucléaires, crèches), réformes inabouties puis retravaillées par les Chambres fédérales (fiscalité des entreprises, retraites, priorité indigène à l’embauche), tâtonnements politiques et verbaux (accord-cadre institutionnel, mesures d’accompagnement, soutien de l’ONU au Proche-Orient, Pacte migratoire), la liste des errements est longue.

Les raisons de cette situation sont multiples. D’une part, c’est la première fois que le Conseil fédéral reflète la totalité des forces, toujours plus centrifuges, du spectre politique. Jusqu’en 2015, il ne comptait parmi ses membres qu’un seul représentant de l’aile dure de l’UDC. Adolf Ogi, Samuel Schmid puis Eveline Widmer-Schlumpf, qui a quitté le parti en 2008, étaient imprégnés de l’esprit consensuel qui souffle généralement sur l’exécutif national. Ce n’est plus le cas. Or, entre le PS et l’UDC, le fossé idéologique n’a cessé de se creuser. Comme le démontrent les enquêtes annuelles de l’institut Sotomo sur le positionnement politique du parlement, l’écart entre ces deux partis est passé, sur une échelle de -10 à +10, de 14,3 à 18,1 points entre 1996 et 2018. Cela complique le fonctionnement de la concordance.

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D’autre part, le remplacement de Didier Burkhalter par Ignazio Cassis a bétonné le bloc de droite. Plusieurs décisions ont été imposées par les deux UDC et les deux libéraux-radicaux à leurs collègues socialistes et à Doris Leuthard, qui l’ont souvent mal vécu.

Nombreux sont ceux qui comptent désormais sur les deux nouvelles conseillères fédérales, principalement sur Karin Keller-Sutter, pour redonner au gouvernement la force de décision et la crédibilité qui lui font défaut. Une lueur d’espoir vient aussi d’Ueli Maurer, qui semble plus sensible au bien commun depuis qu’il est passé de la Défense aux Finances. Ses premières allocutions présidentielles ainsi que le score canon réalisé lors de son élection à la présidence pour 2019 laissent penser qu’il est désormais plus attentif à la collégialité qu’à son parti. L’avenir dira si ce sentiment est juste. Dans le cas contraire, et si l’écart doctrinal entre le PS et l’UDC continue de se creuser, il faudra se demander si la concordance à quatre partis est toujours de mise.


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«Nous avons le Conseil fédéral le plus faible depuis vingt ans»