Retour à Noël
ÉDITORIAL. Malgré les ajouts religieux puis consuméristes imposés au fil des siècles, l’ancienne fête païenne puis chrétienne a encore des choses très actuelles à nous dire

C’est un symbole recouvert de mille et une couches de vernis. Depuis plus de 2000 ans, des générations s’en sont emparées. Les Evangiles apocryphes, les légendes, les Eglises du monde entier lui ont donné des significations nouvelles, parfois âprement négociées au cours des siècles. Certains ont fait de Marie, la mère de Jésus, une figure majeure. Sa virginité a été magnifiée, elle est devenue un point cardinal, un modèle à suivre, un intermédiaire entre les hommes et le ciel. Les mages ont été faits rois, l’âne et le bœuf se sont penchés sur le berceau de l’enfant. Les mystères, les crèches vivantes, les livres et le cinéma ont rejoué la scène encore, encore et encore à travers les siècles et jusqu’à aujourd’hui.
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L’industrialisation, le marketing et le consumérisme s’en sont mêlés et ont réinventé la fête, piochant dans des traditions multiples, empruntant, prescrivant. Il a fallu un sapin surchargé de babioles, des guirlandes et des bougies, un Père Noël, des rennes, des lutins, de la dinde aux marrons, des huîtres et du foie gras, du champagne, une bûche, des chants, des veillées, être sage, être fouetté ou récompensé, des cheminées et des bottes de feutre pour accueillir des joujoux par milliers. Il a fallu des soldes, des coffrets scintillants, des habits de lumière pour la fête, des consoles de jeux, des livres, des films et de la musique, toute une caravane d’objets, d’images, de désirs qui débarquent dès que l’on prononce ce mot: Noël.
Pourtant, derrière la «magie», au-delà même des croyances, Noël, très vieille fête païenne puis chrétienne, a encore des choses à dire. Dans les Evangiles, Jésus naît alors que ses parents sont en voyage. Très vite, il fuira avec eux les massacres d’Hérode en partant pour l’Egypte. L’épisode rappelle que les migrations, qui nous occupent tant aujourd’hui, sont une très vieille histoire.
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A l’heure du réchauffement climatique, la fête païenne qui a précédé la lecture chrétienne du solstice dit depuis des millénaires que la terre doit se reposer, qu’il faut respecter les rythmes des saisons, accorder au monde, régulièrement, un temps de pause.
Enfin, au moment où les femmes, une nouvelle fois, reprennent la parole en force pour demander l’égalité, une Bible des femmes, qui vient de paraître, vient montrer qu’il n’y a pas de fatalité ni d’univocité dans les traditions et dans l’interprétation des textes. Revisiter Noël et la vie de Marie, d’un point de vue féminin et du point de vue du texte lui-même, ouvre des portes nouvelles.
Autant d’exemples qui montrent la force du mythe sous ses couches de vernis. La force d’un récit qui met en scène des êtres humains et qui est celui, tout simple, d’une naissance, de l’apparition d’un enfant, innocent, alors qu’autour de lui le monde bouillonne et se déchire, tout comme aujourd’hui.