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Les risques du filtre identitaire de la gauche genevoise

ÉDITORIAL. Réécriture de l’hymne genevois, autorisation du burkini: le Parti socialiste et ses alliés misent sur un fractionnement du corps social dans l’espoir que l’addition de minorités construise une majorité

Erfurt en Allemagne, le 21 juillet 2019 (image d'illustration). — © Karina Hessland-Wissel / Imago
Erfurt en Allemagne, le 21 juillet 2019 (image d'illustration). — © Karina Hessland-Wissel / Imago

En deux semaines, le Parti socialiste genevois s’est distingué à double titre dans une parade qui amène à se demander à qui s’adresse cette formation. En cette année électorale au carré où la succession de scrutins cantonaux mènera aux fédérales du mois d’octobre, la question peut être élargie à l’ensemble de la gauche, tourmentée par des questions identitaires.

Début février, un député s’est fendu d’une question au Conseil d'Etat, visant à rendre le Cé qu’è lainô «moins sanguinaire» et «compatible avec la laïcité». Ces 68 couplets en pâtois, composés à la suite de la victoire contre les assaillants savoyards lors de l’Escalade de 1602 forment une ritournelle que les Genevois apprennent à l’école. Ils sont un lien entre les générations; ce récit cimente la société genevoise. Le comportement peu inclusif des Genevois d’alors envers les envahisseurs savoyards et les appels au Dieu protecteur, «celui qui est là-haut, le maître des batailles», sont aujourd’hui inaudibles. Prétendre que cet hymne génère des comportements violents ou un prosélytisme protestant qu’il s’agit de corriger en réécrivant les paroles, c’est verser dans un excès risible. Le député le sait bien, lui dont la question visait en réalité à interpeller les autorités sur le refus d’accorder un lieu de prière à l’université aux étudiants qui en avaient fait la demande. Où l’on en vient au second épisode.

Aucune demande de révision

Mardi, au Conseil municipal de la ville de Genève, l’Alternative de gauche (Ensemble à gauche, Parti socialiste, Les Vert·e·s) a fait passer une modification du règlement des piscines municipales qui a, entre autres conséquences, d’ouvrir les portes de ces lieux au burkini. Ce maillot de bain couvrant l’entier du corps est une marque d’appartenance religieuse. Il est la création d’islamistes regrettant que les femmes n’affichent pas assez de «modestie» dans leur accoutrement, en toutes circonstances. Durant les débats, la maire de Genève, face à ce parlement qui «a le secret pour inventer des polémiques sur des problèmes qui n’existent pas», a affirmé qu’aucune demande de modification ne lui avait été adressée par quiconque.

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A force de fractionner le corps social, de le hacher menu en misant sur le fait que l’addition des minorités finira bien par former des majorités, la gauche court plusieurs risques. Le premier est avéré: la droite identitaire a déjà annoncé un référendum contre le vote des piscines. Un deuxième effet pourrait s’exprimer en octobre: en passant la vie au filtre identitaire, la gauche se rend inaudible sur les questions de pouvoir d’achat ou d’aide sociale qui ont fait son succès.

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