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Santé globale: la complaisance, une menace pire que le virus

ÉDITORIAL. Face au désastre provoqué par le Covid-19, les experts sanitaires sont réunis virtuellement à Genève, à l’Assemblée mondiale de la santé. Une occasion historique de tirer les leçons de l’échec et d’anticiper la future pandémie

Le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, s’exprime par visioconférence depuis Genève. Pékin, 24 mai 2021. — © ZHANG YUWEI / KEYSTONE
Le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, s’exprime par visioconférence depuis Genève. Pékin, 24 mai 2021. — © ZHANG YUWEI / KEYSTONE

Préparer une sortie de la crise sanitaire qui a durement frappé la planète depuis un an et demi et anticiper la future pandémie. Les enjeux de l’Assemblée mondiale de la santé (AMS), l’organe suprême de l’OMS, réunie virtuellement depuis lundi à Genève, sont majeurs. Quasi existentiels. L’AMS est l’occasion historique d’une profonde prise de conscience qui a fait défaut jusqu’ici: le monde doit enfin se préparer aux scénarios du pire. On en est encore très loin.

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La gestion du Covid-19 s’est avérée très lacunaire. Les dégâts que la pandémie a occasionnés auront un impact durable. A quelques exceptions près, les pays du globe n’ont pas pris la mesure de la menace, qu’ils voyaient lointaine.

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L’OMS a elle-même été le jouet géopolitique de la Chine et des Etats-Unis. En raison de son financement indécent, elle n’est pas équipée pour résister aux pressions des Etats membres. Conjuguée au style très politique et parfois décrié du patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, cette faible assise financière sape l’indépendance de l’institution genevoise, dont la légitimité repose sur deux éléments essentiels: son activité normative et son expertise scientifique indépendante. En ce sens, la limitation à un seul mandat de sept ans du pensum du directeur général de l’OMS serait aussi nécessaire qu’elle l’est pour le poste de secrétaire général de l’ONU.

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Pour tirer les leçons des échecs, un panel indépendant a émis une recommandation audacieuse: la création d’un conseil mondial des crises sanitaires. Pour autant que ce «Conseil de sécurité de la santé» soit multilatéral et global, cette innovation mérite d’être vigoureusement soutenue. Le système d’alerte en cas d’urgence sanitaire est dépassé. Il doit impérativement être adapté aux exigences numériques du XXIe siècle. Quant au Règlement sanitaire international, qui impose aux Etats de déclarer au plus vite une telle urgence, il n’est plus à jour. Il devrait au moins octroyer à l’OMS un pouvoir d’enquête.

La santé globale ne peut enfin plus être cantonnée dans les seuls ministères de la santé. Elle doit impliquer l’entier d’un gouvernement. C’est ce qu’a commencé à instituer le G20. Mais la plus grande menace n’est pas un futur virus inconnu: ce serait la complaisance et le sentiment irresponsable que tout peut retourner à la normalité d’avant.