Scandale du Libor ou le déni de réalité des banques
Une réforme pourra être plus utile qu’une amende, qui ne parviendra peut-être pas à vraiment changer les comportements des banques prises en flagrant délit de manipulation des taux de référence
L’affaire a éclaté au grand jour au printemps 2012. Les aveux d’UBS ont permis de découvrir que plusieurs grandes banques s’étaient entendues pour manipuler le Libor – ce taux d’intérêt qui sert de boussole à la finance. Certaines ont déjà dû s’acquitter d’amendes salées. Après d’autres autorités, c’était au tour de la Commission européenne, mercredi, de rendre son verdict, infligeant des pénalités à six établissements européens et américains.
Plusieurs d’entre eux ont immédiatement réagi par un communiqué. Ils saluent l’accord passé avec les autorités pour tourner cette page, mais s’empressent d’ajouter que ces pratiques étaient le fait de traders isolés et en complète contradiction avec les valeurs de la banque.
L’observateur sera tenté de réduire l’affaire à quelques individus qui outrepassent les consignes et s’entendent avec des confrères pour piper les dés de la finance. Dans le but d’obtenir une enveloppe plus gonflée lors de la distribution des bonus. Cela rappelle d’autres cas, comme ceux de Jérôme Kerviel (Société Générale) ou de Kweku Adoboli (UBS) qui, embarqués dans des paris ratés, ont causé des pertes colossales à leur établissement.
L’affaire du Libor constitue cependant un cas différent et bien plus grave. Le Libor représente un outil central dans la rentabilité du système financier et les manipulations ont duré plusieurs années. On peut douter que tous l’ignoraient. Le scandale met en évidence la facilité avec laquelle un petit nombre d’acteurs ont déréglé le baromètre. Un baromètre dont l’importance était sans doute très limitée à son lancement dans la deuxième moitié des années 1980 mais qui a grandi à mesure que la finance, elle, se développait. Ces dernières années, des milliards de dollars de produits financiers, dont des hypothèques ou des taux de cartes de crédit, dépendaient ainsi des intérêts de quelques traders.
L’ampleur des dégâts restera probablement inconnue. Par contre, il est clair que ce système nécessite un encadrement plus strict. Une réforme pourra être plus utile qu’une amende, qui ne parviendra peut-être pas à vraiment changer les comportements. C’est d’ailleurs ce que font craindre les réactions. Londres, où ces taux sont fixés, a déjà renforcé les règles du jeu. Ce ne sera pas forcément suffisant. On peut espérer, comme semblent le souhaiter les Américains, une refonte majeure du système.