Avec Sergio Ermotti, une UBS prête au bras de fer politique
ÉDITORIAL. De retour à la tête de la plus grande banque suisse, le Tessinois a d’immenses qualités. Mais il ne sera pas conciliant lorsque les pressions monteront sur l’établissement

Alors qu’UBS se lance dans une fusion à hauts risques, personne ne pourrait davantage que Sergio Ermotti apparaître comme l’homme providentiel. Une description qui ne déplairait sans doute pas à l’ancien et désormais nouveau directeur général de la plus grande banque suisse.
«J’ai senti l’appel du devoir», révélait mercredi le Tessinois, juste assez solennel, mais pas pompeux non plus, prêt à plaisanter si on lui en donne l’occasion. L’air satisfait, le menton légèrement relevé, le banquier, parmi les plus brillants du pays, sait que son retour, s’il n’est pas acclamé, sera au moins salué. Celui qui se rêvait footballeur professionnel a marqué le pays autrement: par une stabilisation et un redressement spectaculaire d’une UBS passée si près du gouffre qu’elle avait dû être sauvée par l’Etat en 2008.
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Sergio Ermotti rassure. Il inspire confiance et sympathie, sa droiture n’est pas mise en doute, son parcours est sans tache. Sa nationalité et sa connaissance de son pays et de ses institutions sont un atout. Sa vision et ses compétences impressionnent, son charisme est indéniable, ses connexions politiques et économiques essentielles dans cette période particulière. Il a beaucoup de ce qu’il manquait ces dernières années aux responsables de Credit Suisse pour redresser leur paquebot en perdition.
Mais ne nous trompons pas. Sergio Ermotti est là pour défendre UBS. Une UBS plus grande, dont, assure-t-il, la place financière suisse a besoin. Son arrivée tranquillise peut-être, mais il n’est pas le choix de la conciliation lorsque les pressions monteront. Alors que la Suisse se retrouve avec un mastodonte bancaire qui l’effraie, qui pourrait être trop grand pour faire faillite ou pour être sauvé, lui s’inquiète plutôt qu’il soit trop petit pour survivre.
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Lorsqu’il s’agira de serrer la vis réglementaire pour éviter un énième sauvetage, il faudra compter sur sa vive opposition. Il faisait partie des plus fervents critiques du renforcement de la régulation post-crise financière, l’accusant d’affaiblir la compétitivité suisse. Il n’aura certainement pas beaucoup plus d’états d’âme si UBS décide d’absorber complètement Credit Suisse.
Rappelons aussi cette phrase: «Rien n’est sûr à 100%, pas même qu’UBS reste en Suisse», pointait, à peine menaçant, Sergio Ermotti en 2017. La banque se sent suisse, disait-il, mais il ne faudrait pas non plus que les conditions-cadres l’étouffent. Avec la garantie étatique promise pour le rachat de Credit Suisse, UBS restera certainement helvétique encore longtemps. Mais Sergio Ermotti n’a peur ni des mots, ni des décisions qui fâchent. C’est bien, avant tout pour UBS.
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