Sexisme à l’école: le délicat équilibre
ÉDITORIAL. Le récent cas d’un enseignant limogé pour propos sexistes a relancé le débat sur ce qu’on peut encore dire en classe. Une polémique qui touche le cœur de la relation profs-élèves

Il fut une époque où un maître de gymnastique se permettait d’apposer ses mains dans le bas du dos d’une élève pour l’aider à monter à la perche. Un temps où un prof de français se plaisait à faire lire à haute voix un passage particulièrement cru d’une œuvre à l’une des jolies filles de la classe.
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Cette période est heureusement révolue. A l’image de la société, l’école a évolué. Aujourd’hui, le milieu scolaire se targue même d’être à l’avant-garde de ces questions d’égalité. Exemples parmi d’autres, la bienveillance de plusieurs départements cantonaux de la formation envers la grève du 14 juin ou l’opération «Toutes 1' Histoire» lancée ce printemps en terre vaudoise afin d’inciter les classes à débattre de la place des femmes.
Mais voilà, au cœur de la douce quiétude des vacances scolaires, l’affaire d’un professeur de gymnase lausannois licencié pour avoir tenu des propos sexistes de manière répétée a rappelé avec brutalité que l’école n’en avait de loin pas fini avec ces questionnements. La polémique entourant ce cas aussi complexe qu’exceptionnel est particulièrement vive et ébranle en profondeur le monde de l’enseignement, non seulement parce que la sanction est lourde et équivaut à une mise à mort professionnelle. Mais aussi parce qu’on touche dans cette histoire au point névralgique de la transmission du savoir d’un enseignant à ses élèves: les mots et l’attitude.
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Une génération plus exigeante
«Qu’est-ce que je peux encore dire?» vont se demander de nombreux maîtres à l’heure de la rentrée scolaire. Leur tâche devient délicate. Ils doivent aiguiser le sens critique et l’indépendance d’esprit de leurs étudiants, les piquer même parfois pour les sortir de leur léthargie d’adolescents, tout en faisant attention à ne pas froisser ou choquer une des multiples identités et susceptibilités qui constituent leur classe. Un équilibre rendu plus difficile à trouver peut-être face à une génération exigeante et qui revendique d’être traitée de manière plus égalitaire.
Ce malaise des profs ne doit cependant pas devenir paralysant. Il doit être au contraire le point de départ d’un travail de prise de conscience véritable. Car oui, il y aura toujours moyen de manier l’humour en classe, voire l’ironie, sans blesser. Surtout, en 2019, plus aucune jeune fille ne devrait avoir à subir une remarque sexiste de la part d’un enseignant.
Une réaction de l'enseignant
Ensuite de la parution de cet éditorial, l'avocat du professeur a réagi immédiatement de la manière suivante : « Dans cet éditorial, il est dit que mon client, professeur d'un gymnase lausannois, aurait été licencié « pour avoir tenu des propos sexistes de manière répétée ». Ce n’est pas la réalité, dès lors qu'aucun grief de cet ordre ne lui a été reproché, ni par l'Etat, ni dans le rapport d'enquête. Il en va de même pour tout soupçon de harcèlement que laisse entrevoir malencontreusement les exemples qui sont données au début de cet éditorial. De manière incontestable et incontestée, mon client a été, tout au long de sa carrière, parfaitement irréprochable à ce sujet.»