Le simplisme inopérant de l’UDC
ÉDITORIAL. Les Suisses ont fait preuve de sagesse en balayant l’initiative sur l’autodétermination. Reste à redonner du poids à la démocratie dans une époque régie par des règles globales

Le monde de 2018 est compliqué et les Suisses en sont bien conscients. Ils l’ont montré en balayant sèchement l’initiative de l’UDC qui voulait rendre au droit suisse sa primauté sur le droit international. Noble ambition en apparence, mais qui ne cadre pas avec les réalités d’un ordre global où les centres de pouvoir et de légitimité juridique s’étagent en un millefeuille complexe.
Dans des domaines cruciaux comme la régulation de la finance, du commerce ou la gestion de la crise climatique, les décisions stratégiques se prennent – quand elles se prennent – dans des instances qui regroupent des dizaines d’Etats. Parce qu’elle est petite et dépend de l’étranger pour sa survie économique, la Suisse a plus que d’autres intérêt à ce que cet écosystème fonctionne. On ne peut pas s’en extraire ou le détricoter en deux coups de cuillère à pot, même par un vote populaire. Les très pénibles négociations sur le Brexit le montrent. Et à un moment où le monde est secoué par le populisme d’un Donald Trump et l’irrésistible ascension de la Chine, ce tissu dense d’accords et d’institutions internationales, pour opaque et inaccessible qu’il soit, offre la garantie d’une certaine stabilité.
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Superstructure envahissante
Cela n’enlève rien au problème de fond. La démocratie moderne a été conçue pour fonctionner dans un cadre limité, celui de l’Etat-nation, où les décisions sont censées se prendre de façon autonome. C’est de moins en moins le cas. L’aspiration du pouvoir vers l’échelon international – celui de l’UE, de l’OCDE, du FMI et d’autres institutions plus obscures, celui des géants de la tech ou des hyper-riches globalisés – menace de vider la souveraineté populaire de sa substance. Peut-on encore décider quoi que ce soit dans son pays si tout se joue dans une superstructure mondiale de plus en plus envahissante?
Rien n’est perdu cependant. L’Etat et même l’échelon local gardent d’innombrables pouvoirs, notamment sur ce qui touche à la vie quotidienne de leurs habitants. Mais l’interaction entre décisions nationales et règles internationales requiert des arbitrages permanents. L’initiative de l’UDC prétendait s’affranchir de ce lourd processus en décrétant unilatéralement la supériorité d’une norme sur l’autre. Sa solution simpliste visait surtout à faire appliquer à la lettre ses propres initiatives, faisant de ce parti une sorte de législateur suprême. Les Suisses ont eu la sagesse de ne pas se laisser abuser.