ÉDITORIAL. Le chanteur belge a dévoilé son nouveau single, qui parle des tendances suicidaires, en plein milieu d’une interview sur TF1

Répondre aux questions d’une journaliste puis, soudainement, interpréter son nouveau single, deuxième extrait d’un album à paraître le 4 mars prochain. Dimanche soir, Stromae a frappé fort lors du 20h de TF1. Ce coup médiatique a été d’autant plus commenté et partagé que le Belge, assis, regard droit vers la caméra et donc fixant les téléspectateurs et téléspectatrices, a dévoilé avec L’Enfer une chanson évoquant sans détour les tendances suicidaires et les idées noires qui l’ont parfois habité, lui l’artiste au succès fulgurant. Car on ne le sait que trop bien: derrière les Zénith et les grandes scènes des festivals, il y a souvent une extrême solitude.
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Dans sa musique, Stromae n’a jamais cherché à cacher ses failles, a souvent évoqué son histoire familiale. Il fait partie de ces artistes qui puisent dans leur vécu pour écrire des textes sincères, souvent à fleur de peau. Dévoilé trois mois après Santé, un titre dansant dans lequel il levait son verre aux travailleurs de l’ombre, à celles et ceux que la société invisibilise, L’Enfer est au contraire un morceau sobre, tout en retenue. Comme si, cette fois, les paroles ne pouvaient être transcendées par une mélodie invitant à la fête.
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Au début du XXIe siècle, les grandes majors de l’industrie musicale, qui n’avaient pas anticipé la crise du disque, n’ont pas su faire face à l’effondrement des ventes. Certains artistes, conscients qu’un musicien doit aussi être un entrepreneur, ont dès lors tenté de nouvelles expériences, à l’image d’un David Bowie enregistrant un album en secret pour ensuite dévoiler par surprise un premier titre après une longue absence. Disparaître pour mieux revenir, c’est bien ce qu’a fait Stromae après un épuisement professionnel et moral qui a laissé des traces. Mais il s’est reconstruit, est aujourd’hui marié et père de famille. Et il veut, à travers son statut, aider à libérer la parole.
Prestation maligne
Sa prestation mise en scène sur TF1 est à ce titre extrêmement maligne. Alors que beaucoup de stars utilisent dorénavant leurs propres comptes sur les réseaux pour s’adresser à leur public, il avait la certitude, grâce à l’impact d’un grand journal télévisé une veille de rentrée, de s’assurer une audience très large. Voilà la promotion de son nouvel album, Multitude, bien lancée.
Mais au-delà du coup marketing, il y avait aussi cette volonté, louable, de mettre en lumière un thème sensible, plus encore après deux ans d’une pandémie, qui a fortement touché les jeunes. En ce sens, le voir regarder si intensément la caméra rappelait la performance d’un Bowie qui, alors qu’il chantait Starman grimé en Ziggy sur la BBC en 1972, avait pointé le doigt vers l’objectif pour défendre le droit à la différence.
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