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La Suisse doit assumer sa neutralité active

ÉDITORIAL. La Suisse avait annoncé sa candidature au Conseil de sécurité de l’ONU en 2011. Aujourd'hui, une opposition nouvelle d’élus du parlement la mettrait en danger. Or siéger dans une telle instance est dans l’intérêt de la Confédération

En cette période d’instabilité géopolitique, la moindre des choses est que la Suisse contribue à sa manière à améliorer une ONU très imparfaite, mais nécessaire. — © Justin Lane/EPA ©
En cette période d’instabilité géopolitique, la moindre des choses est que la Suisse contribue à sa manière à améliorer une ONU très imparfaite, mais nécessaire. — © Justin Lane/EPA ©

Neutralité perpétuelle, différenciée, voire active. Depuis des décennies, voire des siècles, la Suisse n’en finit pas de s’interroger sur sa place dans le monde. Un récent article du Tages-Anzeiger relance le débat, indiquant que la candidature de la Suisse à un siège non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies pour la période 2023-2024 ferait face à une opposition croissante au parlement fédéral.

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Les réticences à une telle candidature relèvent d’une vision étriquée du multilatéralisme, alimentée par la résurgence d’un nationalisme prompt à prôner le repli. Depuis que la Suisse a adhéré à l’ONU en 2002, elle n’a pas excellé partout, mais s’est montrée très entreprenante. A New York, ses initiatives lui valent des honneurs qui dépassent largement son poids géopolitique modeste sur la scène internationale. Elle a ainsi joué un rôle majeur au sein d’un groupe d’Etats dénommé ACT constitué pour moderniser et rendre plus transparentes les méthodes de travail du Conseil de sécurité. Elle a aussi œuvré, avec d’autres, à inciter les grandes puissances à renoncer à utiliser leur veto en cas d’atrocités de masse. Le Royaume-Uni et la France soutiennent ce nouveau code de conduite. Une petite révolution.

Les élus alémaniques qui fustigent déjà une candidature suisse au Conseil de sécurité étaient, pour certains, déjà réticents à l’adhésion à l’ONU. Ils sont prêts à avancer l’argument selon lequel ce même Conseil a lamentablement échoué à prévenir le désastre syrien. Ils n’ont pas tort, mais ils tirent les mauvaises conclusions. Comme l’avait déjà démontré le fameux rapport Brunner sur la politique de sécurité, la Suisse n’est pas un îlot isolé du monde qui serait capable d’assurer seul sa sécurité.

En cette période d’instabilité géopolitique, la moindre des choses est que la Suisse contribue à sa manière à améliorer une ONU très imparfaite, mais nécessaire. Elle est la première à bénéficier d’un environnement international apaisé. D’autres Etats neutres comme l’Autriche, le Costa Rica ou la Finlande n’ont pas perdu leur âme en siégeant au Conseil de sécurité. A titre d’exemple, l’un des chevaux de bataille de la diplomatie suisse est la Cour pénale internationale et sa lutte contre l’impunité. Or pour combattre les fortes résistances du Conseil de sécurité à déférer des cas comme la Syrie à La Haye, Berne ne sera jamais aussi influent qu’en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité.

Ces dernières années, la Suisse a gagné en confiance dans les enceintes onusiennes. Cessons donc de sacraliser la neutralité et d’en faire une fin en soi. Comme le souligne l’ambassadeur de Suisse auprès de l’ONU à Genève, Valentin Zellweger, «l’ONU est un multiplicateur de la politique étrangère suisse». Et siéger au Conseil de sécurité serait un multiplicateur supplémentaire. S’y opposer serait recourir à l’arme du lâche et du resquilleur.