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Suisse-UE, un plan de sauvetage bien mal parti

ÉDITORIAL. Entre Berne et Bruxelles, les positions s’éloignent plutôt qu’elles ne se rapprochent. L’UE n’est plus prête aux concessions qu’elle a faites dans le projet d’accord-cadre abandonné par le Conseil fédéral

La Suisse face à l'UE: une relation politiquement dans l'impasse malgré 120 accords qui fonctionnent dans l'ensemble. — © Martin Ruetschi/Keystone
La Suisse face à l'UE: une relation politiquement dans l'impasse malgré 120 accords qui fonctionnent dans l'ensemble. — © Martin Ruetschi/Keystone

C’était il y a tout juste un an et Le Temps s’en était inquiété: «Après l’abandon de l’accord-cadre, le champ de ruines». Un titre trop péremptoire? En tout cas, la Suisse et l’UE n’ont jusqu’ici rien fait pour le démentir!

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Entre les deux responsables politiques du dossier, Ignazio Cassis en Suisse et Maros Sefcovic pour l’UE, le courant passe mal. Le patron des Affaires étrangères aurait bien voulu «célébrer» à Davos le déblocage par le parlement d’un crédit de 1,3 milliard de francs au titre d’aide à la cohésion pour l’UE. La signature d’un «memorandum of understanding» aurait souligné un geste constructif, mais qui n’a pas été suivi comme l’espéraient les Suisses par la réintégration totale au programme scientifique Horizon Europe. Evitant de se retrouver dans le rôle du «méchant technocrate», Maros Sefcovic a transmis à Ignazio Cassis une proposition de visite en Suisse à la mi-juin, mais le Tessinois l’a déclinée à son tour. Ignazio Cassis n’est pas Adolf Ogi, qui dans les années 1990 avait invité la ministre des Pays-Bas en hélicoptère pour obtenir des concessions de l’UE dans l’accord sur les transports terrestres!

Lire encore: Ignazio Cassis, l'UE et le rendez-vous raté de Davos

Pour ce qui est du fond, jamais le fossé n’a paru aussi abyssal entre deux partenaires pourtant liés par quelque 120 accords qui, dans l’ensemble, fonctionnent bien. L’UE est pressée et rejette tout «bricolage». Quant au Conseil fédéral, il paraît paralysé par la perspective d’une nouvelle alliance contre nature entre une UDC eurosceptique et des syndicats arc-boutés sur la protection des salaires suisses.

La crainte d’un accord de libre-échange à la britannique

La question du mécanisme du règlement des litiges résume bien l’impasse actuelle. En Suisse, on souhaite contourner l’obstacle des «juges étrangers» incarnés par la Cour européenne de justice. Mais à Bruxelles, la Commission vient de réitérer le rôle crucial qu’elle joue dans l’interprétation du droit européen. L’UE ne semble même plus prête à envisager une cour arbitrale comme celle qu’avait proposée son ancien président de la Commission, Jean-Claude Juncker.

Lire finalement: Suisse-UE: huit témoignages entre frustration et espoirs

Entre la Suisse et l’UE, le pragmatisme a longtemps réussi à s’imposer. Mais cette fois, le pessimisme est de mise. Si Bruxelles persiste à laisser s’éroder sa relation avec Berne, la Suisse se dirige tout droit vers un accord de libre-échange à la britannique qui serait une nette péjoration de son statut actuel. Le plan de sauvetage de la voie bilatérale est bien mal parti.