Sursaut sans précédent en Israël
ÉDITORIAL. Le pays est paralysé par une grève quasi générale qui laisse peu de marge à Benyamin Netanyahou

C’est un sursaut sans précédent. En quelques heures, Israël s’est retrouvé paralysé par une grève quasi générale. Rues et aéroport bloqués, universités fermées, parlement encerclé: l’irruption de la colère, déjà croissante dans le pays depuis trois mois, laisse peu de marge à Benyamin Netanyahou. Pour éviter une très dangereuse escalade, il n’a eu d’autre choix que de «suspendre» la réforme de la justice qu’il promeut aux côtés de sa coalition d’extrême droite.
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Dans un pays aussi fractionné qu’Israël, ce… 6e mandat de Netanyahou aura eu au moins le mérite de clarifier les enjeux: les opposants, qui vont du secteur du high-tech au principal syndicat, la Histadrout, des membres de la communauté LGBT au président du pays, n’hésitent plus à mettre en garde contre «la dictature» et le «coup d’Etat juridique» que représente l’affaiblissement programmé de la Cour suprême. De manière significative, il a fallu que le ministre de la Défense brandisse les dangers pour la «sécurité nationale» pour que les protestations prennent un tour aussi décisif.
Séculiers contre messianiques
Même si elle n’en épouse qu’imparfaitement les contours, la bataille est celle qui oppose les tenants d’un Israël «séculier» aux partis messianiques et nationalistes religieux. Une bataille qui a toujours rendu impossible jusqu’ici l’existence d’une Constitution ou même du mariage civil. La Cour suprême, seule arbitre du jeu? Pas étonnant, dès lors, qu’elle soit la cible à abattre pour les ultranationalistes et les suprémacistes juifs désormais installés au pouvoir.
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Dans ce sursaut des Israéliens, il manque cependant une pièce centrale. La même Cour suprême joue aussi un rôle essentiel pour rendre possible l’occupation de la Palestine, pour assurer l’implantation des colonies juives, pour permettre l’enfermement des Palestiniens et la destruction de leurs maisons. Les juges pratiquent au quotidien, vis-à-vis d’eux, la même «tyrannie» contre laquelle les Israéliens manifestent aujourd’hui en masse. Les habitants juifs d’Israël sont vent debout pour défendre la «démocratie». Mais celle-ci s’arrête net au pied du mur de séparation qui emprisonne le pays qu’ils occupent.
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