La tempête que traverse Credit Suisse est effrayante à au moins deux titres. D’abord parce qu’il a suffi d’à peu près rien pour la déclencher: un tweet, sans source, ne la mentionnant même pas, effacé depuis. Trop tard: un flot de twitto-experts croyaient déjà y lire le nom de la banque helvétique en difficulté et annonçaient dans la foulée une crise financière imminente d’une ampleur à faire pâlir celle de 2008, pourtant référence en la matière.

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C’est dire à quel point les marchés ne sont pas sereins. Et que ce genre d’épisodes risque de se reproduire pour d’autres institutions. Dans un monde où l’inflation a fait un retour en force et où les banques centrales serrent rudement la vis après des années d’argent gratuit, ce n’est pas tout à fait étonnant. Cela ne veut pas dire que la crise frappe à notre porte. Ou pas dans l’immédiat.

Ce cas est effrayant pour une autre raison: il rappelle que tout l’édifice financier repose sur un trésor long à constituer, facile à dilapider: la confiance. Malgré d’immenses difficultés, des scandales à répétition, des pertes financières, Credit Suisse n’est pas au bord de la faillite. Comme l’a répété (en vain) son directeur général et au vu des chiffres à disposition, son assise financière semble même solide. Bien plus qu’en 2008. Etonnamment peut-être, vu ses problèmes récents. C’est qu’en quinze ans, les régulateurs ont appris la leçon: les exigences de fonds propres se sont renforcées, tout comme les mesures destinées à éviter qu’une faillite n’ébranle tout le système financier ou que l’Etat doive courir au chevet d’une banque.

Le doute, ce poison

Mais le doute est un poison. Il peut s’insinuer dans la tête des clients, des investisseurs, des banques ou autres partenaires d’affaires, qui pourraient être tentés d’aller voir ailleurs. Lorsque le phénomène prend de l’ampleur, on parle de panique bancaire. Et alors, peu importe si son origine se trouve dans des faits ou dans des élucubrations venant de l’autre bout du monde. C’est ce qu’on appelle une prophétie autoréalisatrice contre laquelle les meilleures défenses ont leurs limites. Ce serait le scénario catastrophe. Sans en arriver là, les événements des derniers jours, ajoutés à la nervosité ambiante, complexifient une situation déjà inextricable pour les responsables de Credit Suisse.

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La Suisse (et la planète finance) n’a rien à gagner d’une faillite de sa deuxième banque. Ni pour sa stabilité, ni pour sa réputation, ni en termes d’emplois ou de saine concurrence. Elle n’a évidemment rien à gagner non plus d’une banque qui navigue de scandale en scandale. Elle n’a donc plus qu’à espérer qu’après des années de tergiversations, la nouvelle stratégie qui doit être présentée à la fin du mois soit convaincante.

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