La Thaïlande est un pays familier des Suisses. Plus de 150 000 Confédérés se rendent chaque année au «pays du sourire» et environ 5000 y résident
La Thaïlande est un pays familier des Suisses. Plus de 150 000 Confédérés se rendent chaque année au «pays du sourire» et environ 5000 y résident. Tous y apprennent vite – s’ils ne le savaient pas – le degré d’attachement de la famille royale à Lausanne, où le souverain Bhumibol et son défunt frère Ananda grandirent entre 1933 et 1951.
Ce qui se joue dans la capitale thaïlandaise, où l’accalmie a succédé aux protestations avant l’anniversaire du souverain le 5 décembre, avec l’armée en arbitre, mérite donc des explications.
La première porte sur l’arrière-plan de la révolte des élites et de la classe moyenne bangkokoise contre la cheffe du gouvernement élue en 2011, Yingluck Shinawatra. Accusée de mettre le pays sous la coupe réglée de son frère Thaksin, milliardaire et ancien premier ministre (2001-2006) en exil, celle-ci est en réalité victime du grave dysfonctionnement du système politique. Renversé par un coup d’Etat, son aîné a, de fait, démontré qu’il plaçait ses intérêts familiaux avant ceux du pays. Sans que personne, y compris la justice qui l’a condamné pour fraude fiscale, ne puisse l’arrêter. Cruel dilemme de l’avidité validée par les urnes…
La deuxième leçon à tirer de cette mobilisation au nom de «l’éthique» est la défiance envers les institutions démocratiques affichée par les Thaïlandais éduqués. Mieux vaut, pour beaucoup d’entre eux, un royaume dirigé par des généraux sous surveillance de la communauté internationale que par des élus achetables, voire mafieux. L’armée, drapée dans le culte du monarque révéré de 86 ans, est vue comme le rempart contre un trop-plein de libertés.
Cette tentation «militaro-démocratique» heurte notre conception de séparation des pouvoirs et de respect des urnes. Elle dédaigne scandaleusement la volonté populaire. Tout en fermant les yeux sur l’utilisation abusive du crime de «lèse-majesté», les problèmes annoncés par la succession du monarque et la corruption rampante sous l’uniforme. Elle n’en reste pas moins une réalité incontournable. Le sourire thaï cache de bien cruelles fractures.