Il y a deux façons de voir les résultats de Credit Suisse. Soit on s’attarde sur la perte sèche subie en 2016, la deuxième d’affilée, conséquence d’une nouvelle amende faramineuse (plus de 5 milliards de francs) infligée par les autorités américaines. De la même manière, on peut aussi rester focalisé sur la restructuration qui touche cette banque depuis l’arrivée de son nouveau directeur général, Tidjane Thiam, en juillet 2015. Les réductions d’effectifs font des ravages dans la banque d’affaires, à Londres et à New York surtout. Mais elles en font aussi dans les filiales en Suisse.

Il est pourtant possible de lire une autre histoire dans les annonces de la deuxième banque suisse mardi. Celle de l’amorce du redressement d’une banque en état de déliquescence lorsque le Franco-Ivorien en a pris les rênes à l’été 2015.

Ne pas brader le joyau

L’ex-responsable de l’assureur britannique Prudential s’était fixé plusieurs missions à son arrivée. Parmi les plus urgentes et vitales: renforcer l’assise financière de Credit Suisse. Vite fait, mais (bien) fait. A tel point qu’en plus de l’augmentation de capital réalisée il y a plus d’une année, la deuxième étape pour lever des fonds – introduire en bourse une partie de l’entité suisse de la banque – ne sera peut-être pas nécessaire. C’est ce que laisse supposer le changement de ton dans le communiqué et des rumeurs venant du conseil d’administration, réticent à céder ce qu’il considère comme le «joyau» de la banque, l’entité la plus rentable du groupe.

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Si les années et les pertes se succèdent, sous l’ère Thiam, c’est aussi parce que le nouveau venu a entrepris un grand nettoyage, synonyme de découverte de cadavres du passé plombant les comptes. C’était le cas lors de la publication des résultats de 2015, avec l’amortissement d’actifs survalorisés issus de l’acquisition de DLJ en 2000.

Attentes normales

Aujourd’hui, le programme de réduction des coûts et de la taille de la banque d’affaires est en bonne voie. Les affaires du passé – subprimes, clientèle américaine – semblent réglées. Accueilli comme le messie capable de sauver une banque sclérosée lors de sa nomination, Tidjane Thiam s’est trouvé à deux doigts de devenir le paria de la Paradeplatz l’été dernier lorsque l’action de Credit Suisse est tombée sous les 10 francs pour la première fois depuis la fin des années 1980. Il semble aujourd’hui redevenu un dirigeant soumis à des attentes à peu près normales.

La banque peut désormais se concentrer sur sa croissance et sa rentabilité. Tidjane Thiam s’était fixé deux ans pour y arriver, lors de la première présentation de sa stratégie en octobre 2015. Il avait alors révélé des objectifs jugés – au mieux – trop ambitieux ou – au pire – irréalistes. Il les a depuis revus à la baisse. Reste à voir s’ils sont tenables.

Le vrai test, donc, sera pour la fin de l’année.

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