ÉDITORIAL. Dans moins de deux semaines, le 10 avril, les Français se rendront aux urnes pour le premier tour de la présidentielle. D’ici là, le pire serait de considérer que la situation internationale rend le débat politique impossible

Les colères françaises planeront bien sur les urnes le 10 avril. Croire que celles-ci se sont évaporées en raison de l’inquiétude généralisée engendrée par la guerre en Ukraine, ou que les électeurs vont in fine se résigner aux sondages très favorables à Emmanuel Macron, relève en effet de la politique-fiction. Les candidats radicaux comme Eric Zemmour, Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon – pour citer les mieux placés dans les enquêtes d’opinion – ne feraient pas le plein dans leurs meetings à moins de deux semaines du premier tour si leur volonté de rupture n’était pas partagée par une large partie de la population. Colère contre l’immigration. Colère contre les inégalités sociales. Colère identitaire. Colère des territoires «oubliés», éloignés des bassins d’emploi et aujourd’hui confrontés, presque partout, à la problématique des «déserts médicaux». Colère causée par la perte de pouvoir d’achat. Cette France-là reste un volcan. Son explosion menace toujours.
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Renoncer à débattre dans une telle situation est, dès lors, très discutable. Certes, le fait que 12 candidats sont en lice pour l’Elysée ne facilite pas la confrontation démocratique. Certes, les réticences des médias devant un spectacle assuré de s’étirer en longueur, voire de virer à la cacophonie si tous les candidats se disputent la parole, doivent être prises en compte. Certes, Emmanuel Macron peut s’appuyer sur l’exemple de ses prédécesseurs. Mais peut-on, en 2022, aborder une échéance aussi cruciale que la présidentielle, dans un pays où tout ou presque en dépend, sur la seule base des rassemblements électoraux, des slogans, et des questions posées par les journalistes? La réponse est non. C’est dans l’adversité et dans le face-à-face que les candidats révèlent leur vraie nature, laissant ainsi entrevoir leur capacité ou non à diriger le pays et à défendre leurs idées.
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L’opération «Grand débat», menée par Emmanuel Macron en 2019 pour tourner la page de la crise des Gilets jaunes, avait d’évidentes arrière-pensées. Il s’agissait, pour ce chef de l’Etat contesté, de calmer le jeu en ouvrant le robinet de la parole. L’objectif politique était discutable. Mais une soupape démocratique s’est ouverte, et les Français, demandeurs de démocratie directe dans tous les sondages, le voyaient d’un bon œil.
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A deux semaines du premier tour, ce cap ne doit pas être perdu de vue, et le président sortant, parce qu’il incarne la continuité de l’Etat, a une responsabilité encore plus importante. Les colères françaises sont le reflet des réalités du pays. Pour ne pas être gâchée par un futur procès en illégitimité, l’élection présidentielle à venir doit donc démontrer qu’elles sont toutes prises en compte. Et soumises à débat.
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