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La tragédie libanaise

C'est toute la tragédie du Liban. La visite vendredi à Beyrouth de

C'est toute la tragédie du Liban. La visite vendredi à Beyrouth de Ségolène Royal illustre le peu de cas que les «puissances étrangères» font d'un Etat trop souvent utilisé comme la carpette des stratégies régionales. La candidate socialiste à la présidence française n'a pas hésité à exporter sa campagne électorale dans un pays cher aux Français. Elle y a eu l'intuition géniale d'appeler à l'organisation d'une «conférence internationale rapide» sur le Liban. Le moment était bien choisi pour occuper l'espace médiatique face à Nicolas Sarkozy. Il l'était beaucoup moins pour les Libanais. Le pays fait encore le deuil de son ministre chrétien Pierre Gemayel et le gouvernement de Fouad Siniora est sur le point d'être renversé. Plongés dans une angoissante instabilité politique, les Libanais apprécieront cette soudaine générosité...

Que ce soit la Syrie, l'Iran, la France, Israël ou les Etats-Unis, le Liban a toujours fait office d'Etat tampon rudoyé par l'histoire agitée de la région. L'intellectuel libanais Ghassan Tueni dira ainsi du conflit de cet été entre Israël et le Hezbollah qu'il fut «une guerre pour les autres». Comme un malheur ne vient jamais seul, le Pays du Cèdre a raté sa sortie de guerre. L'élan de solidarité qui a un instant réuni tous les Libanais a volé en éclats. Pire, les «parrains» extérieurs du Liban ont amplifié les tensions communautaires en appuyant chacun leur clan au grand dam de la cohésion interne. Aujourd'hui, le Liban est dans une dangereuse impasse. Le spectre de la guerre civile réapparaît.

Le Pays du Cèdre n'en a pourtant pas besoin. Il croule sous une dette de 41 milliards de dollars, est rongé par la corruption et vit sous la perfusion des fonds issus de la diaspora. Si le Liban dispose d'une société civile remarquable qui comble les lacunes d'un Etat faible, il est menacé par le cancer de l'émigration. Déprimés par le manque de perspectives, les jeunes, bien formés, vont chercher leur bonheur ailleurs, privant le pays des nouvelles générations dont il aura tant besoin pour se construire une vraie indépendance.

La sortie de crise sera difficile. S'il est contre-productif de diaboliser la branche politique et sociale du Hezbollah, le Liban ne pourra pas faire l'impasse d'une redéfinition du consensus afin que son projet politique l'emporte sur une approche par trop confessionnelle. La répartition des pouvoirs (présidence de la République, de la Chambre et fonction de premier ministre) prévue dans les accords de Taëf n'était-elle pas considérée comme provisoire dans la Constitution de 1926?